À Mont Rolland, un pour tous et tous pour l’agriculture

Au pays de la Terranga, l’économie repose en grande partie sur l’agriculture, moyen de subsistance pour les foyers au savoir reconnu dans toute la sous-région ouest africaine. Mais ce secteur, pilier du développement, a longtemps fait fuir la jeunesse de la campagne vers la ville ou vers d’autres activités, à cause des contraintes qu’il implique et de son image jugée poussiéreuse. Dans les terres, une commune observe pourtant un retour en grâce de l’agriculture auprès des jeunes.

7 août 2024
a close up of a green field

Senegal

Photo: UNDP WACA

Retour aux sources et opportunités à Mont Rolland

Il faut effectuer une soixantaine de kilomètres à l’est depuis Dakar pour arriver dans la région de Thiès. Une région importante qui concentre à elle seule plus de 12% des ménages agricoles du Sénégal , soit le taux le plus élevé de toutes les régions du pays. En s’enfonçant dans les terres, apparaît une étonnante commune évangélisée au 19ème siècle : Mont Rolland. Une communauté rurale composée d’une vingtaine de villages et de d’une quinzaine de hameaux pour près de 20 000 habitants.

Autour d’un centre vivant de ses petits commerces, des rues résidentielles et calmes bordées de nombreux champs. C’est dans l’un de ces champs que travaille Anne-Marie Ciss depuis trois ans. Cette ingénieure en biologie, devenue entrepreneure agricole, s’est installée avec son compagnon dans le village de ses parents après avoir vécu et fait ses études à Dakar. 

« Les grandes villes sont congestionnées. Les jeunes ne le savent pas, ou ne le voient pas, mais il y a beaucoup d’opportunités en milieu rural. Et puis, il y a une meilleure qualité de vie. Il faut sortir des villes. Si tout le monde est commerçant, comment le pays va se développer ? Les choses doivent changer ! »
Anne-Marie Ciss, ingénieure en biologie et entrepreneure agricole

Sur plusieurs centaines de mètres carrés de terre qu’elle a acquis, la jeune femme a mis en place une petite ferme biologique, où elle développe sa pépinière maraichère et fruitière et fait pousser légumes et épices. Surprise par le succès immédiat de son entreprise et par la demande, Anne-Marie a décidé d’ajouter plusieurs cordes à son arc. Elle propose ses conseils et son assistance aux producteurs, et commercialisera bientôt des semences dans la petite boutique qu’elle fait construire près de son champ.

« Je veux montrer aux jeunes, aux femmes aussi, qu’on peut réussir dans le domaine de l’agriculture. Rien n’est jamais facile, mais on s’en sort. Je pense qu’avec un rien, on peut changer les choses, les mentalités, les systèmes. Aujourd’hui je suis épanouie », déclare avec enthousiasme la jeune femme.

En dépit de l’augmentation de la démographie de 2 à 3% par an dans le pays , selon Anne-Marie Ciss, un changement de paradigme est en train de s’opérer. Il ne s’agit plus uniquement de produire en quantité, mais de produire mieux, avec des produits de qualité, impliquant un circuit court entre le producteur et le consommateur…et pourquoi pas l’auto-production ? Mont Rolland serait alors le lieu parfait pour lancer et pérenniser cette tendance.

Une ferme communautaire et des résultats probants

L’exode urbain comme opportunité pour l’agriculture locale et pour la jeunesse, un autre natif de Mont Rolland l’a bien compris. François Diouf est persuadé que l’agrobusiness est l’avenir de la jeunesse dans sa commune et même dans tout le pays.

Avec ses amis et connaissances, il a monté une ferme solidaire sur une surface de cinq hectares de terre mis en commun. Il y fait pousser des produits destinés au marché local, tels que la tomate, le gombo et le piment, mais aussi des haricots verts destinés à l’export, notamment pour le marché européen. Le tout irrigué par un système fonctionnant à l’énergie solaire.

En 2022, François et ses 19 collègues ont produit plus de 200 tonnes de légumes dont la moitié était des haricots verts. De quoi susciter la fierté de l’agriculteur. 
 

« Grâce à notre modèle basé sur la solidarité, on a amélioré nos rendements annuels malgré des difficultés liées aux effets du changement climatique. Toutes les recettes sont partagées équitablement et tout le monde peut subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille »
François Diouf, agriculteur et président de GIE Khabaranta

Un défi d’ores et déjà remporté par le président du groupement qui entendait lutter contre l’exode rural des jeunes et l’émigration vers les pays occidentaux en montant ce projet.

« Ici, nous sommes riches de nos terres. L’agriculture est un métier noble. Voilà ce qu’il faut comprendre. Et puis, la population augmente, il y a de plus en plus de bouches à nourrir. C’est une opportunité pour nous tous », renchérit-il.

L’agriculture reste une source de revenus pour au moins 60% de la population sénégalaise , et a contribué à plus de 15% du PIB en 2021. Grâce à d’importantes ressources hydriques, un grand nombre de terres arables et propices à la production agricole, le pays a pu miser sur une large gamme de produits agricoles, vivriers et industriels pour son marché intérieur et pour l’export.

L’agriculture, moteur d’un projet pilote du PNUD

A Mont Rolland, les projets agricoles qui se multiplient sont salués car ils trouvent un certain écho auprès des autorités et des organismes internationaux. Plusieurs jeunes sont ainsi  accompagnés par des financements du PNUD dans cette commune rurale, dont l’agro business est l’un des moteurs du développement.

De quoi satisfaire Francois Samb, un autre enfant de Mont Rolland, devenu volontaire communautaire du PNUD, affecté à la région.

« Investir dans le monde rural permet aux jeunes de bénéficier des potentialités qu’offre celui-ci. Les jeunes ont des résultats concrets. Parfois, on fait des forums et des rencontres en invitant les jeunes de Mont Rolland qui vivent à Dakar pour leur montrer ce qu’est devenue la ville et ce qu’ils peuvent y gagner en revenant. On leur présente les programmes auxquels ils pourraient participer et en tirer bénéfice », explique François.  

Un programme sur mesure, à taille humaine et aux succès concrets qui après les conclusions de cette phase expérimentale, pourraient être répliqués  au sein de nombreuses autres communautés des pays du Sahel.