En l’absence de programmes gouvernementaux de relance, des centaines de millions de personnes perdront leur source de revenus au cours de la pandémie de coronavirus.
Un revenu de base temporaire et une couverture sanitaire universelle sont tous deux nécessaires pour aider la population à traverser cette période difficile.
De tels systèmes fonctionnent déjà dans certains pays.
Alors qu’au moment de l’écriture du présent article, 55 millions de personnes ont été infectées par la COVID-19, de nombreux pays se démènent pour faire face à la deuxième vague de contaminations. Dans le même temps, bon nombre des premiers plans de relance mis en place par les gouvernements pour apporter une aide d’urgence en espèce aux plus vulnérables touchent à leur fin.
Sans ces programmes, les centaines de millions de personnes qui ont perdu leur emploi ou qui peinent à joindre les deux bouts en raison de la pandémie sont obligées de faire des sacrifices. Pour beaucoup de ces personnes qui doivent choisir entre se faire soigner ou satisfaire des besoins essentiels tels que manger et se loger, il s’agit littéralement d’une question de vie ou de mort. Même si ces protections sociales et économiques sont maintenues, l’absence de services de santé abordables et accessibles à tous a pour conséquence qu’une seule facture de soins médicaux peut encore faire basculer des familles dans l’extrême pauvreté.
Plusieurs pays disposent déjà de programmes qui permettent bel et bien d’atténuer les répercussions économiques de la pandémie de COVID-19. Selon un récent rapport du PNUD, un revenu de base temporaire peut aider à protéger les familles pauvres qui ne bénéficient pas de l’aide sociale ou d’une assurance leur permettant de se prémunir contre les effets les plus dévastateurs de la crise.
Le gouvernement colombien a mis en place un « revenu de solidarité » pour venir en aide à trois millions de ménages vulnérables supplémentaires. Le gouvernement du Togo a, quant à lui, versé plus de 19,5 millions USD sous la forme de transferts monétaires numériques mensuels à plus de 12 % de sa population, dont une majorité de femmes qui travaillent dans le secteur informel.
Mais une aide financière temporaire ne suffit pas. Faute de soins de santé abordables, ce type de programmes ne parviendra pas à stimuler l’économie et à éviter des difficultés financières aux plus pauvres et aux plus vulnérables. Le Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies, António Guterres, a récemment insisté sur cette réalité, alors qu’il appelait les pays à accroître d’urgence leurs investissements dans une couverture sanitaire universelle. « Cette profonde inégalité en matière de couverture sanitaire est l’une des raisons pour lesquelles la COVID-19 cause tant de douleur et de souffrance », a-t-il déclaré.
Les femmes représentent 89 % de l’économie informelle en Afrique subsaharienne. Ces femmes, qui travaillent notamment comme vendeuses ambulantes ou comme domestiques et qui ne jouissent d’aucune protection sociale, pourraient voir s’envoler tout l’argent issu de programmes de revenu de base temporaire face à l’énorme charge financière que représentent les frais de santé. Avant même la pandémie, 100 millions de personnes basculaient dans l’extrême pauvreté chaque année en raison de frais médicaux. La COVID-19 n’a fait qu’exacerber cette crise, avec des répercussions disproportionnées sur les femmes et d’autres groupes marginalisés.
En dépit des aides financières, des travailleurs informels pourraient renoncer à se faire dépister en raison de l’absence de services de santé abordables et accessibles dans de nombreux pays, et ainsi contribuer sans le savoir à la propagation du virus. En outre, la pression générée par la COVID-19 perturbe d’autres services de santé vitaux pour ces populations, tels que la vaccination infantile, la prise en charge du VIH, de la tuberculose et du paludisme, les soins de santé maternelle, la planification familiale et le traitement de maladies non transmissibles telles que le diabète et l’hypertension artérielle. Ces répercussions s’enchaînent et pourraient avoir des effets préjudiciables à long terme sur les personnes, les collectivités et les économies nationales.
Personne ne devrait avoir à choisir entre sa santé et sa sécurité financière. Investir dans des programmes de revenu de base temporaire et dans une couverture sanitaire universelle constitue la meilleure stratégie de relance sur le long terme. Et il est possible de faire les deux.
D’après les données dont dispose le PNUD, la majorité des programmes de revenu de base temporaire coûteraient à la plupart des pays en développement bien moins de 1 % de leur PIB par mois et permettraient d’apporter une aide considérable aux familles vulnérables qui en ont besoin pour acheter des biens de première nécessité, notamment pour se nourrir.
Des études montrent que la couverture sanitaire universelle est un objectif ambitieux mais réaliste, même pour les pays les plus pauvres de la planète. Il est essentiel que tous puissent accéder à des soins médicaux de qualité abordables pour assurer la résilience des systèmes de santé et pour que ces derniers puissent faire face à de futures situations d’urgence et fournir des services essentiels, que ce soit en temps de crise ou en période de calme.
Ces deux voies à privilégier exigeront de la volonté politique et des investissements, mais ce n’est pas le moment de s’imposer des limites ou de faire marche arrière. Ce n’est qu’ainsi que nous pourrons protéger les plus vulnérables face à cette pandémie et prévenir de futures crises sanitaires et économiques.