Nous avons tendance à oublier qu’une grande partie des vêtements que nous portons sont issus de la nature. Les fibres naturelles telles que le coton, le lin, la laine et le cachemire proviennent de plantes et d'animaux, et ainsi procèdent de terres et d'eau. Dans le contexte du changement climatique, il parait essentiel de développer un approvisionnement durable en matières premières afin de ne pas surexploiter les terres et surconsommer l'eau. À l'occasion de la Journée mondiale de lutte contre la désertification et la sécheresse, nous avons examiné les effets de la production du cachemire sur les ressources en sols et en eau en Mongolie.
Le cachemire provient du pelage hivernal des chèvres, plus doux à cette saison. On raconte qu’il est possible d’évaluer la qualité et la finesse de la fibre en passant une écharpe en cachemire dans un anneau. « En raison de conditions climatiques extrêmes, le cachemire mongol est plus fin et de meilleure qualité que les autres tissus de ce type », explique O. Misheel, directeur adjoint de GOBI.
GOBI, alliance internationale chargée de promouvoir la durabilité dans le secteur, intervient dans le domaine du cachemire depuis près de 40 ans. Elle traite directement avec les éleveurs et leur assure des formations afin de garantir la qualité de la production. Ses investissements dans les processus de transformation du cachemire participent à la création d’emplois et aident les Mongols à générer des bénéfices sur les produits finis.
« Nos produits sont issus d’une production durable. C’est là un de nos principaux engagements envers nos clients. Par souci de transparence, nous communiquons sur la traçabilité de notre cachemire et sur nos méthodes de fabrication », explique O. Misheel.
Afin de satisfaire une demande toujours plus importante, le nombre de chèvres exploitées pour leur laine a lui aussi augmenté, produisant des revenus fiables pour les 30 % de la population qui vivent de l’élevage nomade en Mongolie. En revanche, l’élevage pèse sur les sols, car les chèvres à cachemire ont la particularité de paître en arrachant l’herbe par les racines, ce qui empêche la terre de se régénérer.
Les méthodes de pâturage traditionnelles consistaient à employer trois moutons pour une chèvre afin d'éviter de surexploiter les pâturages. Aujourd'hui, les troupeaux comptent toutefois autant de chèvres que de moutons.
Leur taille a par ailleurs augmenté puisque depuis les années 2000, elle a doublé pour atteindre environ 70 millions d'animaux, si bien qu’elle dépasse la capacité de charge du sol dans certaines zones.
Le surpâturage et le changement climatique contribuent tous deux à la dégradation des terres et à la désertification en Mongolie. En effet, la hausse des températures et la diminution des précipitations affectent les pâturages et les réserves d'eau.
« La disponibilité des terres, les ressources en eau et l'état des pâturages devraient aller de pair avec une alimentation suffisante pour le bétail, et des méthodes vertueuses d'élevage et de reproduction animale, afin d’assurer une production durable de cachemire », déclare G. Oyunchimeg, éleveur mongol.
Environ 70 % des pâturages de Mongolie sont dégradés, à des degrés divers. La bonne nouvelle, c’est que des pratiques favorables au climat, la protection des sols et des ressources en eau et une gestion durable du bétail, peuvent permettre de restaurer la plupart de ces terres.
L'augmentation du cheptel et de l'offre de laine de cachemire entraîne une concurrence sur les prix et d'une baisse de la qualité. Les produits de haute qualité issus d’une production d'origine durable présentent une valeur à condition que l’on s’engage à vérifier tous les facteurs de la production : taille réduite des troupeaux, restauration des terres et baisse de la pression sur les ressources en eau, tout en préservant les revenus des éleveurs.
Mais tracer une production durable, ou même la définir, n'est pas chose aisée. « L'industrie de la mode et du textile a besoin de davantage de clarté sur ce que l'on entend par « durabilité ». De plus, la vérification des informations et des données doit être accessibles au secteur privé. Les infrastructures et les écosystèmes permettant d’attester de la validité des pratiques et de la responsabilité des éleveurs en matière de durabilité font défaut », explique O. Misheel.
Le changement peut présenter des risques pour les éleveurs. « Le manque de connaissances et la confiance d'agir peuvent constituer des défis pour les éleveurs qui souhaitent adopter de nouvelles normes ou exigences de certification. Établir une communication confiante et efficace entre les multiples acteurs impliqués dans la chaîne d'approvisionnement du cachemire est le facteur clé de succès pour offrir une compréhension réaliste et commune des avantages et des processus liés à la certification des normes de durabilité » a affirmé, Batkhishig Baival, cofondateur et directeur national de la Sustainable Fibre Alliance.
Le PNUD soutient le gouvernement de la Mongolie par la mise en place de nombreuses initiatives complémentaires comme le Projet d’amélioration de la capacité d'adaptation et de la gestion des risques en milieu rural (en anglais), qui associe gestion des ressources naturelles respectueuse du climat et planification durable de l'élevage à partir d’approches coopératives traditionnelles, tout en introduisant des technologies innovantes pour la traçabilité et la vérification des normes de durabilité en matière. Le PNUD a également lancé la Plateforme pour le cachemire durable (en anglais), qui réunit les marques, les transformateurs locaux, les groupes d’éleveurs, les partenaires du développement, les organisations de la société civile et les autorités publiques en vue d’un accord commun sur la durabilité du cachemire. Le programme établit également des partenariats et des investissements coordonnés pour faire progresser la durabilité dans la production et la transformation de la fibre.
Comme les revenus du cachemire proviennent essentiellement de la laine brute, la transformation n'apporte que peu de valeur ajoutée. Environ 80 % du cachemire mongol est exporté, alors que seulement 20 % est transformé sur place. Les petites entreprises peinent à obtenir des financements pour des investissements sur les chaines de valeur. Le programme gouvernemental pour le cachemire vise à accroître le niveau de transformation locale et le PNUD étudie les moyens d'attirer des investissements pour stimuler à la fois les capacités de traitement local et les exportations.
Inverser le processus de dégradation des terres en Mongolie demande des efforts de collaboration, pour répondre aux ambitions nationales de développement durable et à la demande croissante des consommateurs en ce sens. En tant que consommateurs, nous pouvons soutenir cette démarche. Nous devons exiger de la transparence de la part des marques quant à la durabilité de leur production de cachemire et ainsi garantir la viabilité économique d’une production durable.