Faire face au défi foncier au Burundi !

12 juin 2024
Faire face au défi foncier au Burundi

Echange d'informations entre des participants aux consultations provinciaux sur la gestion rationnelle des ressources foncières

©UNDP Burundi/Aaron Nsavyimana, 2024

Par NSAVYIMANA Aaron

Sans politique foncière nationale depuis son indépendance, le Burundi est de nos jours confronté à de nombreux défis liés à la gestion de la terre et à l’aménagement de son territoire. La forte pression démographique sur la ressource foncière, la prédominance du droit coutumier, l’augmentation considérable des personnes sans terres, la déficience dans la planification de l’aménagement du territoire, l’occupation anarchique et illégale des terres domaniales, etc.  sont entre autres les challenges qui entravent  la gestion rationnelle des terres. Il en résulte de nombreux conflits opposants les particuliers entre eux et avec l’Etat.

Aujourd’hui, elles sont estimées à 70 % de l’ensemble des affaires portées devant les cours et tribunaux du pays liées aux conflits fonciers. Plus inquiétant, 90 % de la population tire sa survie de l’agriculture alors que le pays est soumis à un fort émiettement de la terre. Avec une estimation de 0,3ha par famille, la superficie cultivable s’avère insuffisante alors que le pays est confronté continuellement à une pression démographique en perpétuel galop. 

Afin de trouver une solution durable à cette problématique, le PNUD accompagne le ministère de l’environnement, de l’agriculture et de l’élevage dans la conduite de consultations provinciales qui ont pris le départ à Muramvya le 10 juin 2024. La finalité de ces discussions est de permettre de récolter les contributions de la population en vue de la mise sur pied des réformes foncières nécessaires en vue d’une gestion saine et une utilisation rationnelle des ressources foncières nationales.

En effet, l’inexistence de politique a des conséquences néfastes sur la protection et la gestion rationnelles de ressources naturelles, la croissance économique, la sécurité alimentaire, la paix sociale et la bonne gouvernance foncière. 

En réalité, selon les acteurs impliqués dans les consultations, l’inexistence de politique conduit notamment à la violation de la loi particulièrement par les autorités administratives qui s’arrogent, au-delà de leurs compétences,  le droit  d’octroyer aux particuliers les terres domaniales, l’exploitation des domaines publics par la population sans autorisation, la vente illégale des propriétés de l’Etat,  l’occupation anarchique des terres, la  vente de propriétés foncières familiales sans consentement, ce qui nourrit les conflits et perturbe parfois la paix sociale car pouvant déboucher sur des parricides. 

A cela s’ajoutent l’habitat dispersé, prototype du pays, qui ne favorise guère l’exploitation agraire économiquement productive, l’occupation de terres réservées à l’agriculture par des habitations, l’existence de terres non exploitées dans des régions où bon nombre d’habitants en manquent, la manipulation sociale de personnes voulant s’octroyer les propriétés foncières des voisins, l’exploitation des terres fragiles et la déforestation qui sont parmi les obstacles soulevés par les participants auxquels il faut trouver une solution durable. Avec ces contraintes, la terre perd aussi sa valeur de vecteur du développement, alors qu’elle occupe une place cruciale dans l’économie du pays.

Ces acteurs venus des différents secteurs de la vie publique et communautaire, constatent qu’en raison d’un défaut de plans d’aménagement du territoire distinguant les terres cultivables, les terres urbaines, et les aires protégées, les villes continuent à être construites sur les terres fertiles alors qu’on est en face d’un nombre croissant de personnes avec la ressource terre qui s’amenuise. A la recherche de survie, tout type de terrain est convoité pour l’agriculture, même les zones les plus vulnérables. Cette vulnérabilité de certaines terres conduit malheureusement au dérèglement de l’écosystème aboutissant à des catastrophes naturelles comme les éboulements et glissements de terrains, les assèchements et dans une certaine mesure au changement climatique.

Il sied de rappeler qu’en général, qu’en plus de sa confrontation à une forte pression démographique sans précédent sur la terre, le Burundi se trouve dans un contexte de déséquilibre entre les ressources naturelles disponibles et les besoins des populations. 

La dominance du droit coutumier dans la gestion du système foncier caractérisé par le morcellement de propriétés s’avère aussi être une autre barrière à la gestion rationnelle des terres car participant davantage à l’amenuisement de la taille d’exploitation familiale déjà en dessous du seuil de la taille moyenne d’exploitation économiquement rentable. 

Enfin, se greffent les mouvements de la population, particulièrement les personnes rapatriées et un nombre croissant des sans terres nécessitant d’être installés qui se présentent en facteur supplémentaire de pression sur la terre. Les consultations notent aussi une exploitation désordonnée des terres des marais qui, bien que présentant des potentiels agricoles, ne sont pas valorisées en totalité pour des fins de l’agriculture. 

Tous ces défis ne pourront trouver des solutions durables qu’à travers une politique foncière cohérente qui oriente et harmonise la gestion et l’administration foncière et donne des réponses aux conflits liés au foncier.