Par Mickens Mathieu, Responsable d’exploration AccLab PNUD Haïti
Cinq mesures pour inciter la séparation à la source des déchets solides en Haïti
14 décembre 2021
Si l’on veut améliorer la gestion et la valorisation des déchets solides en Haïti, le tri à la source devrait intégrer les us et coutumes des ménages et des institutions nationales. Le tri des déchets solides a des effets bénéfiques sur la création d’emplois et des opportunités économiques. Ses incidences se feront également sentir sur l’amélioration de la qualité de l’environnement, du cadre de vie et de la santé de la population. Cependant, les simples gestes menant à la séparation des déchets ne sont pas le fruit du hasard. Ils sont amplement influencés par un ensemble de facteurs d’ordre individuel, familial et structurel. Il s’agit, en substance, de l’une des conclusions les plus importantes tirées lors des ateliers de réflexion et d’échange réalisés par le Laboratoire d’Accélération d’Innovation d’Haïti avec les spécialistes, les chefs de projets et d’autres acteurs au cours du mois juillet 2021.
Conscient de l’ensemble de ces retombées, l’État haïtien a formulé dans le Plan Stratégique de Développement d’Haiti (PSDH) une série de mesures à mettre en œuvre en vue d’assurer le renforcement des systèmes de gestion, de valorisation (recyclage, réemploi, revente), et le développement du marché de la collecte des déchets solides dans le pays. Il a aussi été prévu des initiatives orientées vers la sensibilisation, l’éducation de la population et la mise en place de banques de données sur la gestion des déchets solides. En plus des documents de politique publique, les autorités haïtiennes ont également pris des engagements sur le plan international en vue de travailler à une meilleure gestion et valorisation des déchets solides dans le pays. Parmi les plus récents, on peut citer l’Agenda 2030 pour le développement durable et l’Accord de Paris (Voir Nota Bene).
Le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), à travers le Laboratoire d’Accélération des Innovations, souhaite continuer l’accompagnement fourni au Gouvernement haïtien en vue de mettre en œuvre l’ensemble de ses engagements dans l’amélioration des conditions de vie de la population. Le Laboratoire souhaite partager avec la population nationale les réflexions suivantes autour des mesures à mettre en pratique en vue de faire la promotion de la séparation à la source des déchets solides en Haïti.
1- Agir sur les lois et les normes
L’État haïtien pourra promulguer des lois obligeant les ménages, les institutions et les autres producteurs de déchets à procéder au tri à la source, sous peine de sanctions prévues à cet effet. Le cadre normatif peut prendre en compte également des mesures encourageant et encadrant l’ensemble des acteurs concernés par la production, la collecte, le transport, le traitement et la valorisation des déchets solides dans tout le pays. Par-dessus tout, il faudrait que ces mesures soient réellement applicables au niveau des municipalités, compte tenu de leurs réalités spécifiques, par exemple, la taille, la densité et le niveau de vie de la population.
2- Rendre disponibles et accessibles des infrastructures, des matériels et des espaces appropriés
Pour assurer le tri à la source, les producteurs de déchets doivent avoir des espaces d’entreposage des objets recyclables et non recyclables dans leur communauté ou leur environnement immédiat. En plus de cela, il leur faut des contenants dans lesquels ils peuvent facilement assurer l’entreposage des déchets en fonction de leur nature : déchets plastiques, organiques, métalliques, en verre. Il est vrai que les quartiers ou zones précaires du pays peuvent plus difficilement se doter de ces espaces et matériels, il n’est toutefois pas impossible de les appliquer. Cette décision demandera de réfléchir et trouver d’autres méthodes et stratégies mieux adaptées à ces contextes spécifiques.
3- Encourager la création d’entreprises de collecte et de valorisation des déchets solides
Ces entreprises peuvent être privées, publiques ou communautaires. La présence des entreprises bien équipées et offrant des services de qualité est un facteur pouvant inciter les producteurs de déchets, ménages, institutions et industries, à les séparer sachant qu’ils seront réellement collectés, achetés, transportés et valorisés (recyclage, compostage, réutilisation) par les municipalités et les entreprises privées de la place.
4- Informer et sensibiliser la population
La population, en ses différentes composantes, a besoin d’être informée et sensibilisée pour développer des comportements responsables et conscients en rapport au tri à la source et à la gestion des déchets solides de manière générale. Les modules et les messages préparés à cet effet peuvent prendre en compte les éléments suivants : a) pourquoi faire le tri, b) comment faire le tri, c) les produits recyclables et non recyclables, d) les matériels nécessaires, e) le cadre légal, les sanctions et la gestion des déchets solides. Ces modules et ces messages doivent être orientés vers les hommes et les femmes, les jeunes et les vieux, les personnes vivant en milieux urbains et ruraux du pays. Ils devraient, dans la mesure du possible, utiliser l’image et la voix de l’ensemble de ces acteurs. Dans ce même ordre d’idée, on peut intégrer des formations en lien avec la gestion des déchets solides dans les programmes scolaires. On peut également miser les ménages et les jeunes, notamment dans le développement et la participation dans des organisations communautaires travaillant sur la gestion des déchets et la protection de l’environnement de manière générale.
5- Améliorer les conditions de vie des ménages
Il est fort probable que les personnes vivant en condition de pauvreté et de vulnérabilité affichent une très faible disposition à faire le tri des déchets solides ou présenter des comportements allant dans le sens d’une gestion des déchets respectueuse de l’environnement. Cette réalité peut s’expliquer par le fait qu’elles consacrent leurs maigres ressources à la satisfaction des besoins essentiels : nourriture, eau potable, soins de santé, entre autres.
L’amélioration des conditions de vie des ménages supposent qu’ils seront capables de mettre de côté des ressources pouvant être affectées au tri des déchets. On veut parler, par exemple, de l’achat des poubelles de différentes couleurs, l’aménagement d’espace et l’achat des services de collecte. L’amélioration des conditions de vie des ménages passe par l’amélioration du niveau de scolarité de la population, la réduction du taux de chômage et par la dynamicité du marché du travail. Ces conditions sont essentielles pour que les jeunes et les personnes en âge de travailler puissent créer et capter des opportunités économiques.
Nota Bene : Pour ce qui concerne l’agenda 2030 pour le développement durable, on peut citer l’ODD6 sur la gestion et l’accès à l’eau et à l’assainissement, l’ODD 11 sur les villes résilientes et durables et l’ODD 12 sur la consommation et la production durable. Haïti a aussi rejoint l’accord de Paris à partir duquel elle s’est engagée à prendre des mesures favorisant une meilleure gestion des ressources naturelles et une riposte appropriée face aux changements climatiques.