Par Patrice Brizard
Nouakchott - En Mauritanie, Les systèmes juridiques formels demeurent difficilement accessibles à une frange importante de la population en raison de freins importants comme : la pauvreté, la vulnérabilité de certains groupes, les longues distances que les justiciables doivent parcourir pour accéder aux services de la justice, la longueur et la complexité de la procédure judiciaire, l’ignorance par les justiciables de cette même procédure et des droits afférents. Face à ce contexte difficile, et dans l’objectif de renforcer la cohésion nationale, le gouvernement de la Mauritanie a placé la mise en œuvre d’une réforme de l’administration publique au premier plan de ses priorités. L’objectif est de bâtir à terme un service public de justice accessible, moderne, efficace et performant de nature à « rapprocher la justice du citoyen », notamment en restaurant la confiance des citoyens et des justiciables ; en garantissant à tous les droits humains ; en raffermissant l’état de droit et en consolidant la paix et la cohésion sociale.
Dans ce cadre, l’institution traditionnelle des Mouslihs[1] qui joue depuis longtemps un rôle majeur dans la résolution des conflits, prend toute sa place dans la mission de « régler à l’amiable tous les différents relevant de la compétence du tribunal de la Moughataa », comme investie par l’article 4 du Décret n°2021-088 /PM/MJ/MIDEC du 18 mai 2021.
Le Mouslih doit s’entendre comme un acteur de la Justice au sens large, c’est-à-dire qui a compétence sur l'ensemble des systèmes conduisant à la résolution des conflits. Cela inclut la réconciliation, la médiation et l’arbitrage fondés sur la coutume, la tradition, la religion, les us et les pratiques, dans l’objectif de rendre les services judiciaires accessibles au plus grand nombre, dont les populations des zones les plus enclavées, à travers des services de proximité.
Afin d’accompagner cette orientation, et en réponse à une demande formelle du gouvernement de la Mauritanie, le PNUD met en œuvre, pour la période 2021-2024, un Programme de modernisation et d’accessibilité de la Justice afin de renforcer, dès 2022, les capacités des Mouslihs (femmes et hommes) pour les aider à s’acquitter de leurs missions. Cette année, deux ateliers de deux jours, vont ainsi former 60 Mouslihs. Le premier, qui démarre aujourd’hui à Nouakchott (15 et 16 mars 2022), est dédié à la formation des Mouslihs des Wilayas de Nouakchott. Le deuxième atelier se déroulera les 21 et 22 mars 2022 à Aleg.
Les activités de ces formations, dispensées par des praticiens du droit présentant un haut profil, ont pour objectifs de faire connaitre aux participants les missions et attributions du Mouslih, ainsi que les rapports de collaboration que celui-ci doit entretenir avec le tribunal de Moughataa. Enfin, il s’agit de sensibiliser les participants aux droits et devoirs du Mouslih, et d’améliorer leur connaissance des techniques de médiation et de conciliation indispensables au bon accomplissement des missions nouvelles qui incombent désormais au Mouslih.
À l’issue de ces sessions de formation, les Mouslihs nommés auront la capacité d’accomplir efficacement leurs missions, consolidant ainsi l’accès à la justice et partant, à la paix et à la cohésion sociale.
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[1] Le Mouslih est un conciliateur que la Mauritanie a introduit par circulaire du ministre de l’Intérieur et de la Justice dès 1968