Le changement climatique et les inégalités sur fond de COVID-19 en Haïti : une opportunité de changement
Haïti se classe 170 sur 189 pays dans le Rapport sur le développement humain 2020 ; nous devons saisir l'occasion de repenser l'avenir post-pandémie en aidant le pays à se redresser équitablement, et avec une économie durable et résiliente au climat.
Nous traversons une période inédite de l’histoire du genre humain et de celle de notre planète. En 2020, la crise sanitaire aux proportions historiques nous a montré à quel point nous sommes tous étroitement liés. Tandis qu’on célébrait le réveillon du Nouvel An il y a 12 mois, nous n’avions aucune idée de ce qui s’annonçait. Depuis, la pandémie de COVID-19 a coûté la vie à quelque 2 millions personnes dans le monde et bouleversé en profondeur les sociétés et les économies partout sur la planète.
Alors que le monde retient son souffle dans l’attente de connaître une fin à la pandémie, il est devenu clair que la crise sanitaire engendre une crise sociale et économique tout aussi grave et que nous devons saisir cette opportunité pour repenser notre futur.
Le Rapport sur le développement humain (RDH) 2020, présenté le 13 janvier pour la région de l’Amérique latine et des Caraïbes sous les auspices du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), est l’occasion de souligner que nous devons collectivement repenser le chemin vers le progrès en tenant pleinement compte des pressions dangereuses que les êtres humains exercent sur la planète, et en éliminant les déséquilibres flagrants de pouvoir et d’opportunités qui empêchent le changement.
Comme l’explique Achim Steiner, Administrateur du PNUD, cette démarche est capitale : il faut se pencher sur les fragilités et les injustices antérieures que les impacts socio-économiques de la COVID-19 ont exacerbés, mieux protéger les plus vulnérables et agir face à la pression inédite que les humains exercent sur la planète en redéfinissant notre entendement du progrès.
Pour les millions d'Haïtiens vivant dans les communautés fragiles et pauvres, la COVID-19 a été une catastrophe de plus, qui a aggravé les effets de toutes celles qui ont affecté leurs vies et leurs moyens de subsistance depuis des décennies, et la seconde pandémie en 10 ans.
L’année dernière, le pays a commémoré 10 ans de relèvement douloureux après le terrible tremblement de terre, de magnitude 7 sur l’échelle de Richter, qui a frappé la capitale haïtienne, Port-au-Prince le 12 janvier 2010, causant au moins 220 000 morts, 300 000 blessés, la destruction de 100 000 maisons, des hôpitaux et des écoles, et une terrible crise humanitaire, à commencer par l’épidémie de choléra qui a touché 800 000 personnes.
Ne nous y trompons pas.
Les impacts socio-économiques de la COVID-19 ont, en Haïti comme ailleurs, exacerbé des fragilités, des inégalités et des injustices antérieures. La pandémie a mis en lumière les inégalités structurelles qui ont rendu les communautés de plus en plus vulnérables aux impacts de catastrophes naturelles, du changement climatique, d’une gouvernance mal en point, d’inégalités flagrantes de revenu, d’espérance de vie et d’éducation, et d’instabilité et de violence croissantes.
De l’Amérique latine à l’Afrique ou l’Asie, nous travaillons dans plus de 100 pays sur des évaluations d’impact de la pandémie pour les gouvernements et les partenaires, en vue d’alléger les souffrances économiques et de favoriser une reprise juste, équitable et verte.
Les chiffres sont sans appel.
Selon le dernier Rapport de Développement Humain du PNUD, l’Indice de développement humain (IDH) d’Haïti en 2020 s’établit à 0.510, ce qui est inférieur à la moyenne des pays de la région Amérique Latine et Caraïbes, et classe le pays au 170e rang parmi 189 pays et territoires.
L’indice d’inégalité du genre est de 0.636, ce qui classe Haïti au 152e rang sur les 162 pays et territoire pris en compte. En Haïti, 2.7 pour-cent des sièges parlementaires sont occupés par des femmes, et seulement 26 pour-cent des femmes ont atteint le niveau d’éducation secondaire, contre 40 pour-cent des hommes; sur 100,000 naissances vivantes, 480 femmes décèdent de causes liées à la grossesse; le taux d’activité des femmes est de 61.9 pour-cent contre 72.8 pour-cent des hommes.
Il faut mieux protéger les plus vulnérables de la crise sociale et économique aggravée par la COVID-19, le changement climatique et le creusement des inégalités suite au Peyi Lok : 41.3 pour-cent de la population haïtienne continue de vivre en situation de pauvreté multidimensionnelle extrême ; le taux d’intensité des privations dont souffrent les populations en situation de pauvreté est de 48.4 pour-cent.
Selon le rapport, nous sommes à l'aube de l'Anthropocène, ce n'est plus la planète qui façonne les êtres humains, mais les êtres humains qui façonnent la planète « pour la première fois depuis 300 000 ans ». La crise climatique, les changements démographiques, l'urbanisation, la pandémie et l'émergence des technologies numériques et des inégalités sont les défis croissants à relever pour notre époque.
Pour évaluer le « développement humain dans l'Anthropocène », le rapport introduit un nouvel indice expérimental ajusté à la planète (IDHP ; planetary pressures-adjusted human development index – PHDI) qui prend en compte le fossé entre la pauvreté et les inégalités, d'une part, et la consommation de ressources et l’impact environnemental, d'autre part. Cela signifie qu’il est complété par des données sur la consommation de ressources (consommation d'eau, déforestation, empreinte matérielle) et la pression environnementale (émissions de CO2 et utilisation d'azote).
Les classements internationaux sur les risques de catastrophe sont unanimes.
Haïti fait partie des pays à la fois les plus exposés – au cours des 20 dernières années, 83 désastres naturels ayant affecté le pays dont 74 d’entre eux, soit près de 90 pour-cent, sont considérés comme des phénomènes d’origine climatique – et les moins en capacité de faire face au risque climatique et aux catastrophes naturelles. L’une des fiertés du PNUD est d’avoir pu soutenir la préparation du Plan National de Gestion des Risques et des Désastres 2019-2030 qui est une contribution importante d’Haïti à l'avancement de la réalisation de l'objectif du Cadre de Sendai pour la réduction des risques de catastrophe d’ici 2030.
Pour conclure, le Secrétaire-général António Guterres l’a dit avec force devant l’Assemblée générale des Nations Unies en décembre : alors que nous construisons une reprise solide, nous devons saisir l'opportunité de changement face aux deux crises existentielles auxquelles nous sommes actuellement confrontés, à savoir le changement climatique et le creusement des inégalités, en renouvelant notre engagement à aider chaque pays, et Haïti en particulier, à se relever de manière juste et équitable, avec une économie durable et résiliente au climat.