L’impact de l’appui du Programme CapDel aux Associations, selon ses bénéficiaires directes

3 octobre 2022

Considérées comme l’un des acteurs locaux principaux pour assurer une gouvernance locale participative inclusive et durable, les associations ont une place importante au sein du Programme CapDeL.

Le CapDeL a mis en place un dispositif d’appui (financier et renforcement des capacités) au profit des associations des 8 communes pilotes (Djanet, Djemila, ElKhroub, Ouled Ben Abdelkader, Ghazaouette, Babar, Messaad et Timimoune) pour la réalisation de projets divers. Un programme de renforcement des capacités, adapté aux besoins des associations, a été développé, et 182 membres associatifs issus de 86 associations ont été formés sur la thématique du développement local et la gouvernance participative, la planification stratégique…etc., selon l’approche « Apprendre en faisant » adoptée par le CapDeL. Les associations locales ont aussi été impliquées et font parties des comités de concertation communaux - CCC, et l’élaboration des PCD (programme communal de développement).

Enfin, 128 propositions ont été reçues dans le cadre des deux appels à projet lancés par le CapDeL, et 37 projets ont été financés.

L’article ci-dessous donne la parole à quelques-un.e.s des bénéficiaires de ce financement, pour rendre compte de l’impact du CapDeL sur leur vie, selon leurs propres mots.

Mabrouka, Exemple de l’engagement civique, social et économique au niveau local

PNUD Algérie

« Étant mère célibataire de quatre filles, j’ai la charge de tous leurs besoins notamment matériels, et ceci est l’un des plus grands défis de ma vie depuis mon divorce. Il m’incombe de subvenir à leurs besoins et c’est la raison principale pour laquelle j’ai commencé à travailler dans le secteur informel pendant de nombreuses années en cuisinant des gâteaux traditionnels pour les mariages.

Un jour, j’ai entendu parler d’une formation sur la participation des citoyens à la vie communautaire organisée par une association locale dans ma région, une association bénéficiaire d’un programme appelé le CAPDEL. J’ai donc contacté l’association organisatrice pour me renseigner et ensuite j’ai rejoint cette formation.

L’association de quartier à caractère social Echahid Roughami a été créée en août 2020.


Située dans la commune de Babar, wilaya de Khenchla (Est du pays), l’association œuvre pour améliorer les conditions de vie et le bien-être des habitants du quartier.


Dans le cadre de son second appel, le CapDel a formé deux des membres de l’association au montage et à la gestion de projet et a soutenu financièrement leur projet, qui vise à renforcer les capacités des comités de quartier de la commune. L’un des résultats les plus importants du projet est la constitution d’une coordination des comités de quartier dont le rôle est, entre autres, de soutenir les initiatives de développement prévues dans le PCD.

PNUD Algérie

Étant de nature timide, grâce à cette formation, j’ai appris à prendre la parole en public, à participer à la vie sociale et à exprimer mes besoins avec des mots clairs. Cette formation m’a également appris à connaitre les étapes de création d’une association locale, à identifier les meilleurs partenaires pour monter un projet, à communiquer avec les autorités et la presse... Ce qui m’a permis par la suite de créer une association au niveau local et de lancer mon propre atelier, dont l’objectif est de valoriser le savoir-faire des artisanes et protéger la tradition du tapis de Babar.

Après avoir manqué de rêves et d’ambitions dans ma vie, je me réveille à présent chaque matin en pensant à mes projets d’avenir. Après avoir emmené mes filles à l’école, je me dirige vers mon lieu de travail et c’est comme un paradis pour moi, un espace unique, rempli de tapis traditionnels que j’ai confectionné avec l’aide de quelques artisanes. Pendant la journée, je rencontre ces dernières que j’ai moi-même recrutées pour discuter de leurs besoins, de leur travail et de leurs projets d’avenir. Puis, à la fin de la journée, je retourne à la maison pour réfléchir à la façon dont je peux améliorer mon travail et accroître mes revenus.

Il est vrai qu’ils  ont baissé depuis que j’ai arrêté de travailler dans le secteur informel et que mon atelier a encore besoin d’équipements et de financements pour pouvoir développer davantage mon projet. Toutefois, je suis toujours très motivée, et très heureuse d’avoir écouté cette petite voix en moi qui m’encourageait à me lancer dans cette initiative.

J’ai pu contribuer au développement économique de ma région en créant des emplois pour moi et pour des artisanes, et j’ai rendu mes filles fières de mes accomplissements. Maintenant, quand je vais les chercher à la sortie de l’école, je les entends parler avec fierté de mes réalisations et de ma participation à divers ateliers et salons de différentes wilayas avec leurs camarades de classe.

Il y avait beaucoup de compétences cachées en moi et ma participation à la formation sur la démocratie participative me les a révélées. Grâce à cette initiative, j’ai brillé et fait briller ma région !

Mabrouka, Babar, Khenchela.

Ramy, l’ambassadeur de l’économie circulaire urbaine !

« J’ouvre les yeux tous les matins avec quelques difficultés à respirer, le temps est lourd, une odeur gênante se diffuse dans l’air, l’image n’est pas claire, c’est comme si quelque chose brûlait ! Oh, ce n’est pas grave ! Ce sont juste les ordures du village qui sont jetées par les habitants eux-mêmes dans le lac puis une fois qu’il s’en trouve débordé, ils brûlent tout ! J’ai toujours voulu changer cette situation, mais je ne pouvais rien faire...

Un jour, j’ai reçu un message d’un ami au sujet d’un projet appelé « Hayi Yafrez ». Celui-ci portait sur la contribution de l’économie circulaire urbaine au développement économique local à travers l’association ADAELJ. Cette association a été sélectionnée en tant qu’association bénéficiaire du financement du programme CAPDEL.

L’association des Directeurs et Gestionnaires d'activités éducatives et de loisirs pour les jeunes de la commune d’El Khroub œuvre dans le domaine de l’éducation et la citoyenneté. Dans le cadre du Programme CapDel, l’association a bénéficié d’une formation dans le domaine de la gestion du cycle de projet et a participé aux deux appels à propositions destinés aux associations. Cela leur a permis d’obtenir des financements pour réaliser deux projets, sur la santé communautaire et la gestion des déchets domestique en milieu urbain.

Le second projet vise à valoriser les déchets plastiques en organisant le tri au niveau de 05 quartiers pilotes d’El-khroub, soit plus de 1900 ménages et la formation des jeunes dans le domaine de la transformation et l’innovation.

Hayi Yafrez, 2021

J’ai postulé, puis j’ai été sélectionné par la suite comme ambassadeur de ce projet. Je suis allé visiter l’association porteuse du projet et j’ai participé à un atelier sur les bonnes pratiques en matière de gestion des déchets. Pendant ce temps, j’ai imaginé et réfléchi à ce qu’il adviendrait si je mettais en place l’une de ces pratiques dans mon quartier. J’ai rejoint ce projet, et j’ai commencé à jouer mon rôle d’ambassadeur essentiellement pour sensibiliser les enfants à l’importance du recyclage et du tri-sélectif, en le faisant d’une manière inhabituelle : je portais des vêtements de mascotte et de clown pour animer des activités pour enfants. Pendant ces séances, je leur ai expliqué la gestion des déchets de façon simple et ludique et je leur ai demandé de rassembler le plastique, les déchets alimentaires, et autres de leurs maisons. 

En parallèle, l’association a installé des boîtes pour les tri-sélectifs dans différents quartiers, une pour le plastique, les déchets alimentaires, le papier et le métal. Ensuite, les participants eux-mêmes ont commencé à sensibiliser les habitants du quartier au recyclage des déchets ménagers. 

Dans ce même quartier, mon grand-père possède une petite ferme où il utilise des bouteilles en plastique pour remplir l’eau. Suite à l’expérimentation du projet « Hayi Yafrez », j’ai remarqué qu’il n’est pas difficile de gérer ces déchets plastiques si une sensibilisation est faite correctement et si un mécanisme est mis en place.

Ainsi, avec l’aide de mon cousin, j’ai répliqué le principe de ce projet et nous avons construit une grande bouteille en plastique au milieu du quartier à l’intérieur de laquelle nous y avons mis toutes les bouteilles en plastiques que nous avions récupéré de la ferme de notre grand-père. La ferme est devenue plus propre et plus belle, et l’impact a commencé à se faire sentir tout autour de nous. En observant ce que nous avions fait, les enfants ont ramassé toutes les bouteilles en plastique trouvées sur leur chemin pour les jeter dans la grande bouteille de plastique. Cela a aussi influencé leurs parents qui ont à leur tour collecté les bouteilles en plastique de la maison et les ont remis à leurs enfants. 

Les enfants, plus sensibles à la réception de nouvelles pratiques, ont commencé à partager avec les enfants d’autres quartiers nos méthodes du tri-sélectif. Heureux que l’endroit où ils vivent soit plus propre et agréable, ils sont à présent des acteurs majeurs de la sensibilisation et de l’enseignement du tri-sélectif ! Leurs parents m’interrogent d’ailleurs souvent sur cette démarche éco responsable que leurs enfants ont développé. A présent, grâce à cette initiative, un camion poubelle qui appartient à des opérateurs économiques passe pour ramasser le plastique et nous recevons également une rémunération pour ce travail de collecte. Avec cet argent, nous avons pu décorer notre quartier. 

A travers le projet « Hayi Yafrez », la démarche du programme CAPDEL a contribué à l’installation d’un système opérationnel du tri-sélectif accompagné par la commercialisation des déchets récupérés, qui démontre que le recyclage peut aussi être une source de création d’activité économique. Quant à moi, j’ai simplement contribué à répliquer ce système dans mon quartier. Les citoyens de mon quartier sont à présent un peu plus responsable et jettent moins d’ordures dans le lac près de chez moi… Cette culture du tri-sélectif qui s’inscrit dans une économie circulaire n’est pas encore adoptée par l’ensemble des citoyens de ma commune. Cependant, ils commencent à y adhérer peu à peu » !

Ramy Haider, El khroub, Constantine. 

Les trésors cachés de Timimoun, l’histoire de Omar

« Je vis dans le sud de l’Algérie, la région de Gourara et mon village s’appelle Timimoun. Il est connu pour ses constructions authentiques de Ksours, construites avec de la terre et de l’argile rouge, entourées de grandes surfaces d’oasis et de palmiers. Ces palmiers sont connus pour la diversité et la qualité de leurs dattes, une ressource naturelle pour cet endroit que l’on appelle l’oasis rouge. Ces palmiers sont une source directe de revenus pour les habitants de la région et un moteur de la majorité des activités commerciales. Pour ma part, mes palmiers produisent la variété de dattes la meilleure et la plus prisée : les dattes "Hmira", des dattes qui sont caractérisées notamment par leur couleur et leur résistance.

Cependant, la collecte des dattes prend beaucoup de temps et d’argent, et demande beaucoup d’énergie. Je passe habituellement plus de six mois à les collecter et certaines d’entre elles nécessitent plus d’effort que d’autres. Lorsque je parviens à les vendre sur le marché, il m’est impossible de récupérer le coût de mes efforts, je finis donc par les vendre au rabais. Commercialiser mes dattes a toujours été un défi pour moi malgré leur bonne qualité et leur valeur nutritionnelle importante. Par conséquent, avec le temps, j’ai cessé de prendre soin des palmiers et me suis lassé, à force de ne pas obtenir un rendement équivalent aux investissements fournis.

Puis un jour j’ai entendu parler d’un projet qui visait à sensibiliser les producteurs de la datte de « Hmira » pour mieux valoriser et améliorer leur produit phare. Ce projet est dirigé par l’une des associations de Timimoun, « Kanadil el Amal », et financé par le programme CAPDEL.

L’association Kanadil el amel (Candles of hope), créée en 2013 a pour objectif de promouvoir la solidarité envers différentes franges de la population de Timimoun. L’association a bénéficié d’un financement du Programme Capdel dans le cadre de son second appel, ce qui lui a permis de mettre en œuvre son projet de valorisation de la variété des dattes produite localement, en particulier la Hmira. Cela leur a permis de mettre en place un atelier de transformation de cette variété propre à Timimoun  en différents produits pour la consommation humaine, tel que le Rob, des gâteaux traditionnels et modernes à base de dattes, des dattes fourrées, de la pâte de datte, du miel de datte, du sirop de datte, etc.. Cet atelier a aussi permis à 20 femmes issues d’un milieu modeste de bénéficier d’une formation dans le domaine de l’hygiène et de la sécurité alimentaire, d’acquérir des connaissances sur la commercialisation et ainsi être en mesure de développer une activité génératrice de revenus.

Par ailleurs, le projet a permis de sensibiliser et redynamiser les fellahs producteurs de Hmira pour réhabiliter et développer plus cette variété dont les avantages gustatifs mais aussi pour la santé sont fort nombreux.

PNUD Algérie

J’ai alors rejoint ce projet et participé aux activités mises en place. La première de ces activités consistait en une caravane de sensibilisation sur la valeur de la datte « Hmira ». Pendant cette tournée en caravane, nous avons visité beaucoup de Ksours à Timimoun et nous avons rencontré beaucoup de familles et de producteurs de dattes. A la suite de ma participation à cette caravane, j’ai vraiment pris conscience du potentiel de ce produit et découvert comment on pouvait lui rendre toute sa valeur. En appliquant ces enseignements, j’ai enfin pu vendre ma production de datte Hmira à son prix réel.

Ce projet a donc contribué à l’augmentation de mes revenus financiers ainsi qu’à l’amélioration de la situation des agriculteurs en général. Il a aussi permis d’offrir aux femmes de la région une opportunité d’apprendre à fabriquer des produits dérivés à base de cette variété de dattes et a fortement stimulé la création d’activités économiques féminines. Par exemple, ma sœur a elle aussi rejoint ce projet. Elle a appris à fabriquer du chocolat à partir de « Hmira », du Rob * (pâte de dattes) et elle prépare à présent de délicieux gâteaux traditionnels, comme le makrout qu’elle vend ensuite à l’association, qui prend en charge la partie commerciale. Cela a permis à sa famille d’améliorer sa situation économique et de mieux faire face aux dépenses quotidiennes.

Dans ma région, les oasis, les ksours, les palmiers et les différentes variétés de dattes qui étaient sur le point de disparaître sont à présent considérées comme des trésors. Ce projet, avec l’appui technique et financier du programme CAPDEL, nous a fait prendre conscience de leur importance et nous a appris à mieux les valoriser, tout en stimulant la création d’une activité économique locale. Par conséquent, nous sommes maintenant fiers de produire des produits locaux de grande valeur ».   

Omar Abdu el Jabbar, Timimoun

Fatiha, la femme de fer de Gourara !

« Femmes de Gourara, c’est comme ça qu’on appelait les femmes de ma région. Généreuses, accueillantes, elles aiment offrir, elles sont intelligentes, courageuses et résilientes. Elles exercent des responsabilités importantes dans les foyers et dans l’oasis. Les femmes de Gourara ont toujours contribué à l’activité économique locale de Timimoun, par la création de textiles et de l’artisanat à partir des déchets de dattes. Elles vendaient différents produits de la palmeraie. Mais aujourd’hui, elles font face à des difficultés pour trouver un emploi, du fait d’une situation économique difficile. 

A la fin de mes études, je passai mes journées à la maison à ne rien faire, parfois même seulement à dormir. Un jour sur Facebook, j’ai vu un formulaire d’inscription pour un projet où l’on cherchait des femmes de ma région pour participer à une formation sur la fabrication de produits dérivés de la datte « Hmira ».  Ce projet est porté par l’association Kanadil el Amal, une association bénéficiaire du programme Capdel.

Je l’ai montré à ma famille qui m’a encouragée à postuler. Quelques jours plus tard, j’ai été sélectionnée. 

Ma routine a changé, je me suis sentie mieux considérée et j’ai participé à la caravane de sensibilisation organisée par l’association. Nous avons visité plusieurs Ksours où nous avons rencontré des personnes ayant eu des expériences différentes.  Ce fut une expérience unique et inoubliable pour moi. Grâce à elle, j’ai beaucoup appris, et j’ai acquis beaucoup de connaissances sur la datte « Hmira », comme la technique de conservation de la datte sous le sable. Après la tournée en caravane, j’ai participé à une formation sur le processus de conservation des dattes, et j’ai appris à transformer la datte « Hmira »  en différents produits comme la fabrication de chocolat, et de nombreuses autres recettes comme la préparation du Rob (’El - Rub* pâte de dattes), le makrout et d’autres gâteaux traditionnels.

PNUD Algérie

J’ai fait la rencontre de plusieurs femmes appartenant à des familles d’agriculteurs. En raison de certaines contraintes liées aux traditions et aux difficultés de déplacement au niveau ma région, ces femmes n’ont pas pu participer à la caravane mise en œuvre par le projet, car elles ne pouvaient se déplacer sur de longues distances. Reconnaissante de faire partie de cette expérience j’ai pris plaisir à partager ces enseignements avec elles.

Aujourd’hui, le meilleur moment de la journée pour moi est lorsque je rencontre les autres bénéficiaires. Avant ma participation, j’aimais cuisiner des gâteaux à la maison mais sans grande motivation. A présent, lors des ateliers avec les autres filles, je me sens plus motivée pour fabriquer et tester de nouvelles recettes. Ces femmes ainsi que l’association m’ont donné un grand coup de pouce pour faire ce que j’aime. Ma présence sur le lieu de travail m’a permis de partager ce que je maitrise avec ces femmes et d’échanger et mettre en commun nos connaissances. Je dispose aussi d’une source de revenus grâce à ce projet en fabriquant des produits et en les vendant à l’association qui s’occupe de la commercialisation. Cela m’a permis de subvenir aux besoins de ma famille aussi, ce qui m’apporte un réel épanouissement».

Fatiha, Timimoun.

PNUD Algérie