Par Betty Wabunoha, Opia Mensah Kumah et Francis James
5 conclusions du One Forest Summit et pourquoi elles sont importantes
20 mars 2023
Le 1er et 2 mars 2023, Libreville était au centre du monde de la forêt et de la biodiversité, en accueillant le premier "One Forest Summit", un événement de deux jours co-organisé par le Gabon et la France. Le président gabonais Ali Bongo Ondimba a accueilli son homologue français Emmanuel Macron ainsi que quatre chefs d'État d'Afrique centrale: la République du Congo, la République centrafricaine, la Guinée équatoriale et le Sao Tomé-et-Principe. Étaient également présents le Secrétaire Général du Commonwealth, le Vice-Président de la Commission européenne, les premiers ministres du Burundi, du Cameroun, du Tchad, de la République Démocratique du Congo et de la Papouasie-Nouvelle-Guinée, les ministres de l'environnement de la région d'Afrique centrale, du Costa Rica, de la France, et du Royaume-Uni, ainsi que des représentants de la société civile, des experts scientifiques et des chefs d'entreprise.
Le "One Forest Summit" a été l'occasion de centrer le débat sur la préservation des forêts tropicale qui jouent un rôle essentiel dans le système climatique mondial. La forêt du bassin du Congo représente le deuxième puits de carbon de la planète après l'Amazonie. Elle abrite également une biodiversité impressionante, notamment des éléphants de forêt et des gorilles, ainsi que des Communautés Autochtones dont la culture et la compréhension de la forêt sont très vivantes. Mais elles sont également confrontées à des menaces telles que le braconnage, la déforestation, l'abattage illégal et l'exploitation des minerais.
Les résultats de ce sommet de deux jours ont été résumés dans un Plan de Libreville en deux points. Premièrement, la création d'un fonds de 100 millions d'euros (financé à 50% par la France, à 20% par la Fondation Walton et à 30% par Conservation International) pour financer des certificats de biodiversité pour les pays "bons élèves" qui ont sauvegardé leurs forêts et leurs stocks de biodiversité. Deuxièmement, l'ambition de créer 10 millions d'emplois dans des activités liées à la gestion durable des forêts et aux chaînes de valeur qui bénéficient aux communautés locales et autochtones. Cela comprend la transformation des produits du bois dans les pays et l'exploitation durable des produits forestiers non ligneux tels que les noix de moabi et de kola, la résine d'okoumé/l'encens et les plantes pharmaceutiques telles que l'Iboga et d'autres qui restent à découvrir.
1.Il est temps d'agir
Notre planète est en crise, a déclaré le président Ali Bongo Ondimba. La nature et la biodiversité sont en grave déclin. Nous vivons dans l'Anthropocène, où l'activité humaine est désormais l'influence dominante sur le climat et l'environnement. L'homme est devenu la principale force de la nature, et nous pouvons être une force de bien ou de mal. "Les forêts représentent potentiellement 20 à 30% de la solution au changement climatique" a déclaré Lee White, Ministre gabonais de l'environnement. "Les pluies génerées par la forêt du bassin du Congo tombent sur les hauts plateaux éthiopiens, se jettent dans le Nil et irriguent les terres agricoles egyptiennes. Si nous la perdons, nous perdons la lutte contre le changement climatique et nous créons des millions de refugiés climatiques. Commençons à marcher et à prendre des mesures concrètes.
2.Académiciens, postulez (s'il vous plait)
Nous avons besoin d'un investissement du type "Projet Manhattan" pour mieux comprendre les forêts. Nous avons besoin de meilleures données pour comprendre ce qui change, et de plus scientifiques pour faire avancer la recherche et les connaissances scientifiques sur la valeur écologique et monétaire des forêts tropicales dans nos contextes locaux et régionaux. Nous avons également besoin d'un plan global cohérent pour la région du bassin du Congo afin de voir ce qui est en train de changer. Sinon, nous volons à l'aveuglette. À cette fin, la République du Congo prévoit d'accueillir un "Sommet des trois bassins" en juin 2023 afin d'accroitre la sensibilisation aux forêts en tant que bien public mondial et de renforcer la coopération régionale.
3.Rendre la forêt rentable
La République du Congo, la Guinée équatoriale et le Gabon sont des pays à forte couverture forestière et à faible déforestation (HFLD) qui possèdent de vastes forêts écologiquement intactes et de faibles taux historiques de déforestation. En fait, 90% de la masse terrestre totale de la Guinée équatoriale est couverte de forêts. Le Gabon est couvert à 88% par la forêt, avec 90 millions de tonnes de crédits carbone "Gourmet" certifiés REDD+ à haute intégrité et à haute valeur. Il absorbe également 140 millions de tonnes de carbone par an. Les crédits carbones et les certificats de biodiversité peuvent être des outils efficaces pour lutter contre le changement climatique et constituent une source de revenus potentiellement importante pour nos pays, alors que nous passons d'une économie brune (pétrole) à une économie verte. Cependant, les inégalités inhérentes à l'architecture actuelle du financement du climat créent une forme perverse d'incitations qui semble récompenser les pollueurs repentis, tandis que les pays exemplaires comme le nôtre sont insuffisamment indemnisés. Le marché du carbone est marqué par la méfiance et la volatilité des prix. Le marché volontaire du carbone n'atteindra jamais une échelle suffisante et se situe actuellement entre 3 et 5 dollars la tonne de CO2, alors qu'un prix plus réaliste se situerait entre 30 et 50 dollars la tonne. En outre, les entreprises qui cherchent à compenser leurs émissions de gaz à effet de serre achètent en réalité un droit à polluer, ce qui expose des pays comme le Gabon à des critiques de blanchiment écologique. "Nous devons créer des incitations positives pour un financement innovant en sachant qu'il ne sera jamais parfait. Nous devons apprendre en faisant.", a insisté le ministre Lee White. Pour faire une omelette, il faut casser des oeufs. Il faut du courage pour être le premier, et cela suscitera la controverse avant de devenir la nouvelle norme.
4. Besoin des CEOs autochtones
Les terres autochtones représentent 20% du territoire de la planète et abritent 80% de la biodiversité restante. C'est un signe que les populations autochtones sont les gardiens les plus efficaces de l'environnement et qu'elles possèdent une vaste connaissance locale de la forêt, tout en vivant en harmonie avec la nature. Ce sont les CEOs (Chief Ecological Officers) de la forêt qui pratiquent la durabilité depuis des siècles. Nous devons nous inspirer de leur rôle dans la conservation et la gestion durable des forêts et le respecter. Les communautés autochtones doivent participer à la conversation et à la prise de décision.
5. Les petits moteurs qui pourraient
Les pays à forte couverture forestière et à faible taux de déforestation tels que la République du Congo, la Guinée équatoriale, et le Gabon portent le fardeau pour les autres, car notre empreinte carbone est négligeable. Les pays développés n'envisagent pas les marchés du carbone de la même manière que nous, et il existe un fossé entre le Nord et le Sud. En réalité, aucune des deux parties ne peut résoudre à elle seule les problèmes liés au changement climatique, à la perte de la biodiversité et à la fixation du prix de valeur, et c'est pourquoi nous devons collaborer. Il nous incombe de prendre l'initiative, de faire les choses différemment et de définir notre compréhension des marchés du carbone (et de l'emporter). Il est temps de prendre notre destin en main et de tracer une voie meilleure et plus équitable.
Les auteurs sont les représentants résidents du PNUD en Guinée équatoriale, en République du Congo et au Gabon respectivement.