Cette année marque la moitié du parcours vers les ODD, un programme ambitieux visant à transformer notre monde. Nous savons depuis toujours que ces objectifs ne peuvent être atteints sans l'inclusion des personnes vivant avec handicap. De la pauvreté aux inégalités, du climat à la santé, la promesse de ne laisser personne de côté est le fondement même de l'appel à l'action pour les ODD.

Malheureusement, les indicateurs à mi-parcours devraient tous nous préoccuper. Le Secrétaire général des Nations Unies a récemment déclaré que les progrès réalisés sur 50 % des objectifs sont faibles et insuffisants et que nous avons stagné ou régressé sur plus de 30 % des objectifs.

Et que nous enseigne ces progrès insuffisants des ODD en matière d'inclusion des  personnes vivant avec un handicap ? Malheureusement, très peu de choses. Bien que les ODD incluent les personnes vivant avec handicap, cela ne se reflète pas pleinement dans le suivi. Seuls sept des 169 objectifs abordent spécifiquement l'inclusion des personnes vivant avec un handicap et seulement 10 des 231 indicateurs les concernant exigent clairement une désagrégation des données sur le handicap.

Cependant, même sans données spécifiques sur les ODD, il convient de remettre en question l'ampleur des progrès réalisés lorsque l'on constate qu'en 2023, les 1,3 milliard de personnes dans le monde qui vivent une situation de handicap important continuent de faire face à divers obstacles à leur inclusion.

Bien que les actions spécifiques pour promouvoir l'inclusion des personnes vivant avec un handicap doivent sans aucun doute être relancées, il est également important de se rappeler que nous vivons des moments éprouvants, sans précédent. La pandémie de COVID-19, la plus grande crise pour le coût de la vie que cette génération ait jamais connue, le changement climatique et l'accroissement des conflits mettent une pression sur les communautés du monde entier avec une intensité et à une rapidité rarement constatés auparavant. Et bien que tout le monde puisse être affecté par ces crises interconnectées, ce n'est pas de manière égale. Les plus vulnérables portent toujours le plus grand fardeau et les personnes vivant avec un handicap ont été touchées de manière disproportionnée par les récents événements.

Pourtant, malgré ces défis, l'inclusion des personnes en situation de handicap gagne du terrain dans le monde entier. Même dans les contextes de crise les plus difficiles, comme la guerre en Ukraine, nous avons constaté que des évaluations préliminaires, telles que celle réalisée par le PNUD, qui examine comment améliorer l'accessibilité des informations et des notifications en situation de crise et les difficultés spécifiques auxquelles les personnes vivant avec un handicap sont confrontées lors des évacuations, ont réuni des personnes en situation de handicap, la société civile et les partenaires gouvernementaux pour aider à créer le changement. Ces efforts communs reconnaissent également l'importance de prendre en compte non seulement les besoins des personnes en situation de handicap en tant que bénéficiaires de l'aide, mais également leur participation en tant qu'acteurs clés dans la planification de la réponse humanitaire.

Une meilleure compréhension de l'intersectionnalité et la reconnaissance des multiples facteurs qui influencent l'expérience que les personnes vivent gagnent également du terrain et il est impressionnant de constater à quel point les associations de personnes vivant avec un handicap impulsent ce changement.

Mais il est temps que les engagements politiques dans le monde et et au niveaux des pays rattrapent leur retard. Au niveau mondial, le suivi des ODD doit impliquer davantage les organisations de personnes vivant avec un handicap et cela doit être accompagné d'investissements pour ces groupes afin de garantir que les programmes de renforcement des capacités autour des ODD puissent être développés à grande échelle. Sans cela, la communauté des personnes en situation de handicap et les groupes sous-représentés continueront de batailler pour participer aux plans nationaux de mise en œuvre des ODD.

La collecte de données spécifiques sur le handicap liées aux ODD est également une priorité. Les personnes en situation de handicap sont souvent exclues des processus de collecte de données, ce qui entraîne une sous-représentation de leurs points de vue. Les mécanismes de collecte de données conçus par et avec des personnes vivant avec un handicap et leurs organisations respectives, y compris des données désagrégées sur les types de handicap, l'âge et le genre, sont indispensables mais actuellement manquants.

Au niveau national, nous devons accélérer la mise en œuvre de la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes vivant avec un handicap, qui vise à promouvoir, protéger et garantir les droits fondamentaux des personnes en situation de handicap. Des progrès significatifs ont été réalisés depuis 2008, date d'entrée en vigueur de la convention, mais il faut faire davantage pour élaborer des politiques et des cadres législatifs en étroite consultation avec les personnes en situation de handicap et leurs organisations respectives et cela doit être accompagné d'une forte volonté politique et des ressources nécessaires. Le PNUD et l'International Disability Alliance (IDA), l'Alliance internationale des personnes handicapées, travaillent ensemble avec des partenaires dans le monde entier pour faire avancer ce travail, reconnaissant que cela est une condition préalable à la réalisation des ODD.

Mais il reste encore beaucoup à faire. Parce que nous ne pouvons pas véritablement revendiquer des progrès lorsque dans une grande partie du monde, les personnes en situation de handicap ne peuvent toujours pas participer de manière égale et significative au monde qui les entoure. Lorsqu'elles restent inaudibles et invisibles dans les programmes conçus pour répondre à leurs besoins et lorsque des obstacles systémiques à leur pleine inclusion et participation dans la société demeurent.

Cette année offre un moment important de réflexion, pour faire le bilan de ce qui a été accompli, mais aussi, et c'est un élément crucial, pour corriger le tir. Les personnes en situation de handicap font partie des groupes les plus marginalisés et exclus dans le monde. Réparer cette injustice est l'un des moyens de remettre les ODD et l'Agenda 2030 sur la bonne voie. Ce n'est pas une tâche pour un seul groupe ou un seul pays. Cela nécessitera une coopération à tous les niveaux, une volonté politique forte et, peut-être le plus important, une véritable collaboration avec les personnes en situation de handicap et les organisations qui les représentent, en reconnaissant qu'elles sont celles qui ont le plus à gagner ou à perdre dans les progrès réalisés.