Le PNUD et la CESAO estiment que le développement humain a reculé de plus de deux décennies, se situant en deçà des niveaux enregistrés pour la première fois en 2004.
Alors que la guerre à Gaza entre dans son septième mois, 1,74 million de Palestiniens supplémentaires basculeront dans la pauvreté dans l'État de Palestine, selon une évaluation des Nations Unies
2 mai 2024
Amman & New York – Alors que la guerre à Gaza entre dans son septième mois, le taux de pauvreté dans l'État de Palestine continue d'augmenter pour atteindre 58,4 %, faisant basculer près de 1,74 million de personnes supplémentaires dans la pauvreté, tandis que le produit intérieur brut (PIB) subit une chute vertigineuse de 26,9 % , soit une perte de 7,1 milliards de dollars par rapport aux niveaux d’avant conflit de 2023, selon de nouvelles estimations du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) et de la Commission économique et sociale pour l'Asie occidentale (CESAO).
Ces deux organisations ont rendu publique aujourd’hui une mise à jour de leur évaluation rapide initiale conjointe intitulée « La guerre de Gaza : impacts socio-économiques prévus sur l’État palestinien », qui a été publiée en novembre 2023 et donnait des estimations des impacts de la guerre sur l'État de Palestine et sur Gaza. La nouvelle évaluation actualisée fournit des estimations des impacts au bout de six mois de conflit, avec des projections pour les scénarios sur sept, huit et neuf mois.
« Chaque jour supplémentaire que dure cette guerre entraîne des coûts énormes et croissants pour les habitants de Gaza et l’ensemble des Palestiniens, aujourd'hui et à moyen et long terme. Par rapport à notre évaluation préliminaire, ces nouveaux chiffres nous alertent sur le fait que la souffrance à Gaza ne s'arrêtera pas avec la fin de la guerre », a déclaré Achim Steiner, Administrateur du PNUD. « Les niveaux sans précédents de pertes humaines, de destruction de capital, et la forte hausse de la pauvreté en si peu de temps vont hâter une grave crise du développement qui met en cause l'avenir des générations futures. »
Selon les projections, dans un scénario où la guerre se poursuivrait pendant neuf mois, la pauvreté ferait plus que doubler (passant à 60,7 %, soit 2,25 fois les niveaux d'avant-guerre), portant ainsi le nombre de personnes supplémentaires plongées dans la pauvreté à plus de 1,86 million, tandis que la baisse du PIB atteindrait 29 %, avec des pertes totales chiffrées à 7,6 milliards de dollars. L'évaluation met également en garde contre une forte baisse de l'indice de développement humain (IDH), la mesure synthétique du bien-être du PNUD, d’autant que le développement humain dans l'État de Palestine pourrait connaitre un recul de plus de deux décennies, à un niveau antérieur à celui de 2004, année pour laquelle l'IDH a été calculé pour la première fois pour l'État de Palestine.
« Contrairement aux précédentes guerres, les destructions à Gaza sont aujourd'hui plus étendues et plus intenses que jamais. Associées à la perte d’habitats, de moyens de subsistance, de ressources naturelles, d'infrastructures et de capacités institutionnelles, elles risquent d'avoir des répercussions profondes et systémiques pendant des décennies », a déclaré Mme Rola Dashti, Secrétaire exécutive de la CESAO. « Cette évaluation prévoit que Gaza sera rendue totalement dépendante de l'aide extérieure à une échelle jamais vue depuis 1948, car elle sera privée d'une économie fonctionnelle, de tout moyen de production, d'autosuffisance, d'emploi ou de capacité commerciale ».
L'évaluation actualisée du PNUD et de la CESAO vient s’ajouter aux conclusions du Rapport conjoint d'évaluation provisoire des dommages récemment publié par la Banque mondiale et les Nations Unies. Ce rapport estime les dégâts directs infligés aux infrastructures à Gaza jusqu’en janvier 2024 à environ 18,5 milliards de dollars, soit 97 % du PIB total de l'État de Palestine en 2022.
L'évaluation actualisée avertit que la destruction de Gaza est sans précédent en termes de portée quantitative et d'échelle, mais qu'elle est aussi qualitativement différente des guerres précédentes, avec des impacts systémiques profonds. Les déplacements massifs de populations, associés à la perte d’habitations, de moyens de subsistance, de ressources naturelles, d'infrastructures et de capacités institutionnelles, exacerberont les conséquences de manière exponentielle. L'évaluation prédit que Gaza sera rendue totalement dépendante de l'aide extérieure à une échelle jamais vue depuis 1948, car elle sera privée de ce que l'on pourrait appeler une "économie", avec très peu de moyens de production, de soutien autonome, d'emploi ou de capacité commerciale.
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Au PNUD
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À la CESAO
Maryam Sleiman | Unité de Communication (CU) | sleiman2@un.org
Rania Harb | Unité de Communication (CU) | harb1@un.org
NOTES AUX RÉDACTEURS
Estimations concernant le PIB et la pauvreté
Estimations actualisées des effets de la guerre – par rapport au PIB prévu avant le conflit pour les niveaux de référence de 2023 :
Au bout de six mois
- Le PIB palestinien aura diminué de 25,8 pourcent, soit une perte de 6,9 milliards de dollars.
- La pauvreté* aura augmenté de 114,2 pourcent, passant de 26,7 % à 57,2 % de la population.
plongeant environ 1,67 million de personnes supplémentaires dans la pauvreté, faisant passer leur nombre de 1,46 million à 3,13 millions d'individus.
Au bout de sept mois
- Le PIB palestinien aura diminué de 26,9 pourcent, soit une perte de 7,1 milliards de dollars.
- La pauvreté aura augmenté de 118,7 pourcent, passant de 26,7 % à 58,4 % de la population.
plongeant environ 1,74 million de personnes supplémentaires dans la pauvreté, faisant passer leur nombre de 1,46 million à 3,20 millions d'individus.
Au bout de huit mois
- Le PIB palestinien aura diminué de 27,9 pourcent, soit une perte de 7,4 milliards de dollars.
- La pauvreté aura augmenté de 122,8 pourcent, passant de 26,7 % à 59,5 % de la population.
plongeant environ 1,80 million de personnes supplémentaires dans la pauvreté, faisant passer leur nombre de 1,46 million à 3,26 millions d'individus.
Au bout de neuf mois
- Le PIB palestinien aura diminué de 29,0 pourcent, soit une perte de 7,6 milliards de dollars.
- La pauvreté aura augmenté de 127,3 pourcent, passant de 26,7 % à 60,7 % de la population.
plongeant environ 1,86 million de personnes supplémentaires dans la pauvreté, faisant passer leur nombre de 1,46 million à 3,32 millions d'individus.
* Calculs basés sur le seuil international de pauvreté.
Estimations concernant le chômage
- La mise à jour estime que le taux de chômage dans l'État de Palestine pourrait augmenter de quelque 0,5 point pour chaque mois de guerre supplémentaire, pour atteindre : 46,1 pourcent (au bout de six mois); 46,7 pourcent (au bout de sept mois) ; 47,2 pourcent (au bout de huit mois) ; et 47,8 pourcent (au bout de neuf mois);
- Avant la guerre, le taux de chômage dans l'État de Palestine se situait à 25,7 %. Gaza était déjà en prises avec un taux d'« hyperchômage » de 45 %, avec un taux de chômage des jeunes de près de 60 %. L'OIT estime à 201 000 le nombre d’emplois perdus à Gaza au 31 janvier 2024.
Estimations concernant l'Indice de développement humain
L'évaluation actualisée calcule l'IDH pour l’État palestinien en fonction de 4 scénarios basés sur des hypothèses de réduction prévue de l'espérance de vie, de diminution anticipée des années de scolarité et de baisse du revenu national brut.
Pour l'État de Palestine
- Au bout de six mois : l'IDH aura connu une baisse considérable, pour se situer à 0,677 contre 0,716 en 2022 - faisant régresser le développement humain palestinien de 17 ans (niveaux de 2007).
- Au bout de sept mois : l'IDH sera ramené à 0,667, soit un recul de 18 ans (niveaux de 2006).
- Au bout de huit mois : l'IDH sera réduit à 0,657 - un recul de 20 ans (jusqu'aux niveaux de 2004, l’année pour laquelle l’IDH a été enregistré pour la première fois pour l’État de Palestine).
- Au bout de neuf mois : l'IDH pourrait tomber à 0,647, ce qui ferait reculer les progrès réalisés de plus de 20 ans. Partant de l'hypothèse que l'IDH progresse en moyenne au même rythme que celui observé au cours de la période 2004-2010, l'évaluation actualisée estime le recul à 23 ans, ce qui équivaut aux niveaux calculés pour 2001.
* Simulées à l'aide de données infranationales, les valeurs distinctes de l'IDH pour Gaza et la Cisjordanie présentent des variations marquées.
Pour la Cisjordanie
- Au bout de six mois : l'IDH aura chuté à 0,702 - contre 0,720 en 2022 - faisant reculer le développement humain de 12 ans (niveaux de 2012).
- Au bout de sept mois : l'IDH sera réduit à 0,697 - soit un recul de 13,5 ans (inférieur aux niveaux de 2011).
- Au bout de huit mois : l'IDH sera réduit à 0,687 - un recul de 14 ans (niveaux de 2010).
- Au bout de neuf mois : l'IDH pourrait atteindre 0,677, soit un recul de 16 ans (niveaux de 2008).
Pour Gaza
- Pour Gaza, tous les quatre scénarios feraient reculer le développement humain de plus de 20 ans - c'est-à-dire avant 2004, année à laquelle les valeurs de l'IDH ont été enregistrées pour la toute première fois pour l’État de Palestine - et cette régression s'accentuerait avec chaque mois de guerre supplémentaire.
- Partant de l’hypothèse que l'IDH augmente en moyenne au même rythme que celui observé au cours de la période 2004-2010, la mise à jour de l'évaluation fournit des estimations fondées sur les scénarios suivants, uniquement à des fins de comparaison :
- Au bout de six mois : l'IDH aura chuté à 0,598 - contre 0,705 en 2022 - faisant reculer le développement humain de 33 ans (estimation pour 1991).
- Au bout de sept mois : l'IDH aura baissé à 0,582 - soit un recul de 37 ans (estimation pour 1987).
- Au bout de huit mois : l'IDH passera à 0,566 - soit un recul de 40 ans (estimation pour 1984).
- Au bout de neuf mois : l'IDH pourrait se situer à 0,551, soit un recul de 44 ans (niveau estimatif de 1980).