Journée Internationale de l’Arganier : Quels Efforts pour Préserver l’Or Vert du Maroc ?
10 mai 2024
Au cœur des terres arides du Maroc, un arbre se dresse comme un phare de vie et de prospérité : l'arganier. Depuis 2021, le 10 mai de chaque année, le Maroc et le monde entier se tournent vers ce symbole de résilience pour célébrer la Journée Internationale de l’Arganier.
Connu scientifiquement sous le nom d'Argania Spinosa, l’arganier est une espèce endémique qui prospère contre toute attente dans les sols arides et les climats difficiles du sud-ouest marocain, entre Agadir, Essaouira et Taroudant. Sa capacité à survivre jusqu’à 200 ans dans des conditions climatiques extrêmes et à lutter contre l’érosion des sols lui confère une importance écologique majeure.
Au-delà de son rôle de rempart contre l'avancée du désert, l'arganier représente une ressource économique vitale pour de nombreux ménages des régions dans lesquelles il prospère. Plus de 2,5 millions de personnes dépendent directement de l’arganier pour leur subsistance. Il stimule l'économie locale en offrant des emplois, notamment à travers les coopératives féminines, qui transforment l'argan en produits de valeur.
Le produit le plus célèbre issu de l’arganier est sans aucun doute l’huile d’argan. Extraite des amandes nichées au cœur de ses fruits, cette huile est hautement prisée pour ses propriétés nutritives, cosmétiques et médicinales. Elle enrichit non seulement les cuisines du monde entier avec ses arômes subtils mais nourrit également la peau et les cheveux, grâce à ses vertus hydratantes et anti-âge. Depuis 2014, l'arganier est reconnu par l'UNESCO et figure sur la liste du patrimoine culturel immatériel de l'humanité, témoignant de son importance globale et de son héritage culturel exceptionnel.
Un Patrimoine Naturel, un Avenir Économique pour les Femmes
Pour renforcer cette dynamique, de nombreuses femmes se sont organisées en coopératives, générant ainsi des revenus pour elles-mêmes et pour leurs communautés. A Souss Massa, la principale région productrice d'huile d'argan, les femmes occupent une position centrale dans cette industrie. De la récolte à l'extraction de l'huile des amendons, elles gèrent l'ensemble du processus. On estime aujourd'hui environ 50.000 femmes vivant directement des revenus générés par la filière de l'argan.
L'évolution des coopératives féminines a été spectaculaire : de 111 entités en 2000, leur nombre a grimpé à 2.280 en 2015 et a atteint 4.525 en 2019, selon les données fournies par le Ministère de tutelle. Cette montée en puissance des coopératives s'inscrit principalement dans le sillage de l'Initiative Nationale pour le Développement Humain (INDH), lancée par Sa Majesté le Roi du Maroc en 2005. Sur le plan législatif, la nouvelle loi sur les coopératives a considérablement allégé les démarches de création, multipliant ainsi par quinze le nombre de coopératives féminines en quinze ans. Par ailleurs, depuis 2010, l'huile d'argan bénéficie d'une protection en tant qu'«Indication Géographique Protégée (IGP)», un statut qui vise à promouvoir et à sauvegarder sa réputation sur les marchés nationaux et internationaux.
Malgré ces avancées, la situation demeure préoccupante. La majorité de la valeur ajoutée de l'huile d'argan est malheureusement réalisée à l'étranger, où l'huile brute est transformée en produits finis de haute valeur ajoutée (cosmétiques, alimentaires, etc.), générant des revenus significatifs pour des marchés extérieurs tandis que les artisanes locales ne perçoivent qu'une infime fraction des bénéfices.
Face à ce constat, le PNUD au Maroc, via son projet pilote « Enhancing the Participation of Women in Trade Activities in the Argan Oil Sector in Morocco », a minutieusement analysé les défis inhérents à la filière de l’huile d’argan. L’objectif, est de concevoir des solutions novatrices permettant aux coopératives féminines d’optimiser leur exploitation des arganiers. De cette analyse approfondie, deux défis majeurs ont été identifiés : premièrement, la nécessité d'améliorer le positionnement des coopératives dans la chaîne de valeur de l’huile d’argan, afin de maximiser leurs bénéfices économiques ; deuxièmement, l'importance de faciliter l'accès direct aux marchés business-to-business (BtoB) et business-to-consumer (BtoC), élargissant ainsi leur portée commerciale et leur capacité à atteindre directement les consommateurs et les entreprises.
Le PNUD au Maroc a également accompagné des coopératives féminines dans leur transition vers le numérique, en mobilisant des experts en marketing digital et digitalisation, pour les aider à comprendre les tenants et aboutissants de la transformation digitale. Grâce à des sessions de coaching collectifs, les coopératives ont pu acquérir les compétences nécessaires pour intégrer efficacement le monde numérique. En partenariat avec l'Association Passagers, Al Maghreb Qudurat et le Centre Marocain pour l'Innovation et l'Entrepreneuriat Social (MCISE), trois plateformes en ligne (Coop-up, Rawaj et Wuluj) ont été développées et mises à la disposition des coopératives pour promouvoir leurs produits et faciliter leur accès au marché national et international.
"Grâce à ce programme, notre coopérative a pu découvrir le numérique et ses bonnes pratiques. Cela nous a permis de nous ouvrir à un vaste marché et de commercialiser nos produits via Internet, ce qui est devenu aujourd'hui une nécessité", a déclaré la Coopérative Agricole Féminine Igbar dans un témoignage.
L'Arganier face au Changement Climatique
Malgré son importance, l'arganier est confronté à des défis de taille en raison de la surutilisation et le changement climatique. Ce vénérable survivant des climats arides est particulièrement sensible aux variations de précipitations et à l'augmentation des températures, menaçant ainsi sa capacité à prospérer dans ses habitats naturels.
Avec la sixième année consécutive de sécheresse, les régions de l'arganier au Maroc pourraient voir leur climat devenir de plus en plus hostile. Ces conditions réduisent la capacité de régénération naturelle de l'arganier et mettent à rude épreuve la survie de certaines coopératives. D’ailleurs, plusieurs d’entre elles enregistrent actuellement une baisse d’activité et ne sont plus en mesure de produire assez de revenus pour les femmes rurales.
Dans le cadre de son projet visant à opérationnaliser le cadre national relatif à l ’Accès et le Partage juste et équitable des Avantages découlant de l’utilisation des ressources génétiques, le PNUD travaille en collaboration avec le gouvernement du Maroc et les parties prenantes pour promouvoir des pratiques agricoles durables et préserver la biodiversité des écosystèmes de l'arganier. Ces efforts, financés par le Fonds pour l’Environnement Mondial (FEM/GEF), incluent la sensibilisation des populations locales sur l'importance de la conservation de l'arganier, la promotion de techniques agricoles respectueuses de l'environnement et la mise en place de mécanismes de gestion durable des ressources génétiques de l'arganier.
Alors que nous célébrons la Journée Internationale de l’Arganier, rappelons-nous de l'importance vitale de cet arbre pour l'écosystème marocain et pour les communautés qui en dépendent. Cette journée est bien plus qu'une commémoration, c’est un appel urgent à reconnaître et à agir pour la préservation de l'arganier, dont la survie est menacée par les défis environnementaux et économiques croissants. L'heure est venue pour les acteurs nationaux et internationaux de collaborer pour assurer que l'arganier continue de prospérer. Ainsi, nous ne célébrerons pas seulement un arbre, mais une source de vie, une inspiration pour la conservation et un symbole d'espoir pour les générations futures.
A Souss Massa, la principale région productrice d'huile d'argan, les femmes occupent une position centrale dans cette industrie. De la récolte à l'extraction de l'huile des amendons, elles gèrent l'ensemble du processus. On estime aujourd'hui environ 50.000 femmes vivant directement des revenus générés par la filière de l'argan.