Entreprenariat, l’émancipation des jeunes Sahéliens

L’Afrique est la région du monde abritant le plus grand nombre de jeunes. Pleine d’idées et de talents, avec une aptitude remarquable à la débrouillardise, cette jeunesse a un rôle incontestable à jouer pour le processus de développement. Cependant, elle est encore confrontée à de nombreux défis, liés entre autres à la rareté des opportunités d’emplois. Dans ce contexte, l'entreprenariat et le renforcement des capacités apparaissent comme des voies à privilégier, malgré les crises multidimensionnelles et les effets de la pandémie de Covid-19, notamment dans des pays tels que le Cameroun, le Tchad et le Mali.

9 août 2024
a group of people posing for the camera
Photo : PNUD WACA

Pour l ’Union africaine (UA), l’entrepreneuriat est une solution durable à la crise de l’emploi en Afrique. C’est un moteur clé de la transformation économique structurelle envisagée dans l’agenda 2063, avec le potentiel de créer des millions d’emplois. Avec 11 millions de jeunes qui devraient entrer sur le marché du travail chaque année au cours de la prochaine décennie selon les estimations de la Banque mondiale, il devient de plus en plus urgent de développer la capacité de l’Afrique à former et intégrer cette main-d’œuvre croissante encore largement confinée au secteur informel.

Tandis que le secteur public ne peut absorber toute la demande, la jeunesse Sahélienne a besoin d’un secteur privé novateur et dynamique,construit par les jeunes eux-mêmes, et qui deviendrait le moteur de la transformation économique dont la région a tant besoin pour ajouter de la valeur à ses immenses richesses naturelles. L’entrepreneuriat des jeunes s’inscrit dans cette logique, façonné par la technologie, l’innovation et le numérique. Autant de perspectives qui permettraient de catalyser et d’accélérer la croissance économique tant dans les secteurs traditionnels que dans les secteurs modernes. D’où la nécessité pour les politiques publiques de prendre des mesures adéquates.

Selon les chiffres publiés par l’Organisation des Nations Unies (ONU), l’âge moyen de la population en 2020 était de 19,7  ans contre 30,9 ans au niveau mondial. Et plus de la moitié de la croissance démographique mondiale d’ici à 2050 aura lieu sur le continent Africain.

Au Cameroun, l’agriculture des entrepreneurs

Régulièrement cité comme l’un des pays africain « le plus entrepreneur », le Cameroun possède un immense potentiel en termes d’inclusion des jeunes pour lutter contre le chômage. Au fil des décennies, la création de petites et moyennes entreprises a permis de réduire la pauvreté. Mais de nombreux obstacles tels que la fiscalité élevée, les lourdeurs administratives, l’accès aux financements et la corruption demeurent un frein à cette progression. La Stratégie nationale de développement du Cameroun 2020 – 2030 (SND 30) pour la transformation structurelle et le développement inclusif, fixe comme parmi ses objectifs majeurs la promotion de l'emploi et l'inclusion économique de sa population, et mise pour cela sur le développement des très petites entreprises (TPE), des petites et moyennes entreprises (PME) et l'entrepreneuriat des jeunes.

Une politique soutenue par des organismes internationaux comme le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) à travers des programmes qui visent à renforcer les capacités des jeunes entrepreneurs et à les aider à lancer leur activité. C’est le cas dans l’extrême nord du Cameroun, dans le secteur agricole notamment, moteur de la croissance et qui occupait 60% des emplois en 2020. Chetima Guidadi, jeune homme de 27 ans à la tête d’un petit collectif agricole dans la localité de Gancé (département de Mayo-Sava), a bénéficié de formations, de semences et de matériel pour relancer son activité agricole déstabilisée  à la suite de  l’insurrection du groupe armé Boko Haram. Comme Chetima, 1500 jeunes de la région  disposent désormais de moyens de subsistance stables. 

« Nous cultivons de l’oignon et de l’ail. Chaque année depuis 2021, nous agrandissons nos parcelles. Notre rêve c’est d’avoir une grande entreprise qui exporte à l’international. J’y crois car nous les jeunes nous avons une force de travail et une solidarité incroyable »
Chetima Guidadi, responsable d'un collectif agricole

Au Tchad, un vaste programme de renforcement des capacités jeunes

Au Tchad, pays voisin également touché par la menace djihadiste, dans un contexte de transition politique et avec un taux élevé de pauvreté, les stratégies des instances décisionnaires portent sur le renforcement des capacités et l’autonomisation des jeunes pour contribuer au développement et à la stabilité. La mise en œuvre sur le plan économique de la stratégie de stabilisation, relèvement et résilience des zones du bassin du Lac Tchad affectée par la crise Boko-Haram, conçue par la Commission du Bassin du Lac Tchad (CBLT) et dont l’aspect stabilisation immédiate est menée par le PNUD, résolument tournée vers les jeunes et les femmes, a déjà permis à plus de 50 000 personnes de bénéficier de fonds pour créer ou relancer leur activité dans les provinces du Lac et de Hadjer-Lamis. Travaux communautaires, subventions aux commerçants, aux producteurs et aux éleveurs…sans compter les formations. Montant total de l’enveloppe octroyée par le fond fiduciaire des partenaires internationaux des États du bassin du Lac Tchad, 16 millions d’euros en 2022. 


De quoi redonner vie au tissu économique de ces zones rurales et de l’espoir en l’avenir. D’autant que cette première phase dans des provinces « test » sera étendue à l’avenir sur l’ensemble du territoire tchadien qui compte 70% de jeunes.

« En plus des difficultés d’accès au marché de l’emploi dans un contexte de stabilité, les jeunes,les femmes et les enfants sont les plus vulnérables dans un contexte de crise. Il est donc nécessaire de mettre l’accès à l’emploi, les moyens de subsistance et les perspectives économiques facteurs de développement et générateurs de richesse au cœur du dispositif pour la stabilisation de la région. Ce qui est remarquable c’est la volonté et l’implication de cette jeunesse »
Charles Nash M'back, responsable du programme de stabilisation, PNUD Tchad.

Au Mali, la reine du noni veut inspirer les jeunes

De la volonté et de l’implication, c’est ce dont fait preuve chaque jour Safoura Cissé, une agro entrepreneuse malienne. En périphérie de Ségou à près de 240 kilomètres à l’est de Bamako, la jeune femme s’est lancée en 2019 dans la producdtion, la transformation et la commercialisation du noni. Une plante produisant des fruits auxquels on prête de nombreuses vertus pour la santé et le bien être.

En 2021 la jeune femme de 26 ans a bénéficié d’un fond d’amorçage d’un montant de 2 500 USD, soit près d’1 500 000 CFA dans le cadre du programme « Entrepreneuriat Jeunesse » mené par le PNUD et la fondation Tony Elumelu (TEF). Celui-ci vise depuis 2020 à autonomiser 10 000 jeunes grâce à un programme de renforcement des capacités en entrepreneuriat, un soutien financier au démarrage pour créer ou renforcer des entreprises innovantes, un soutien aux entreprises dirigées par la communauté et un mentorat individuel aux jeunes pour aider leurs entreprises à se développer. Le programme cible 40 % de jeunes femmes.
Ce soutien à permis à Safoura de mettre en place une petite unité de transformation et de conditionnement grâce à laquelle elle fabrique jus et poudre de noni.

“Ce que nous voulons c’est contribuer à l’amélioration de la situation alimentaire et nutritionnelle au sein de nos communautés. Grâce à l’entrepreneuriat on peut s’émanciper, réussir et avoir un impact social important auprès des populations”  affirme Safoura. Le Mali est depuis 2012 confronté à une crise multidimensionnelle ayant de graves conséquences sur la situation alimentaire et nutritionnelle.

Mais comme de nombreux maliens, Safoura veut garder espoir, persuadée que le pays connaîtra des lendemains meilleurs grâce notamment à la force de sa jeunesse.