Enseigner à Sam Ouandja : un parcours entre défis et espoirs (2)

Entretien avec Mme Ko-Ndotar Mamita, institutrice déployée à Sam-Ouandja dans le cadre du Programme de Stabilisation du PNUD

24 septembre 2024
Un groupe de personnes debout devant une foule
PNUD Centrafrique / Ronald Kradjeyo

Quelle classe enseignez-vous ?

Dans un premier temps, en l'absence d'un de mes collègues malade, je me suis occupée des classes de CI (cours d'initiation) et de CP2 (cours préparatoire) à l’école B de Sam Ouandja. Une fois, que mon collègue a retrouvé la santé et a pu reprendre fonction, j'ai continué avec la classe de CP2. 

Comment s'est déroulée votre arrivée à Sam-Ouandja ?

Engagement et courage étaient essentiels pour accepter de venir à Sam Ouandja. Ce qui m'a motivé, c'était la possibilité de servir mon pays. Contrairement à ce que j'entendais dire sur la ville, mon expérience sur place a été bien différente. L'accueil chaleureux de la population m'a immédiatement rassurée. Les enfants, qui ne nous connaissaient même pas, les autres enseignants et moi, se sont massivement déplacés jusqu'à notre résidence pour nous souhaiter la bienvenue, ce qui nous a beaucoup touchés.

Comment s'est passé le premier contact avec les élèves ?

Nous avons été présentés aux élèves après la levée des couleurs par le Président préfectoral de l'Association des parents d'élèves et le Principal du Collège de Sam Ouandja. Il nous a fallu un petit moment pour rejoindre nos classes respectives car les élèves voulaient choisir leur enseignant eux-mêmes. Nous leur avons patiemment expliqué que cela n'était pas possible.

Quelles ont été les réactions des élèves à votre arrivée ?

Les élèves étaient très heureux de nous voir. Ils ont soif d'apprendre, mais pendant longtemps n'ont pas eu l'opportunité de le faire. Certains parents nous ont expliqué que les écoles de Sam-Ouandja avaient été abandonnées depuis 2006, rendant l'apprentissage très difficile pour les enfants. Ces derniers se trouvaient dans l'obscurité éducative et nous ont priés de les aider à combler ce manque. Personnellement, cela m'a poussée à prendre d'autant plus ma responsabilité à cœur. Je ressentais déjà le désir d'aider les enfants de mon pays, ce désir n'en a été que plus ardent.

Les élèves sont vraiment nombreux et manifestent une réelle volonté d'étudier. Beaucoup de ceux qui avaient abandonné, sont revenus à l'école, et même ceux admis en classe supérieure ont préféré redoubler pour bénéficier de l'enseignement des nouveaux enseignants.

Quels défis avez-vous rencontrés durant votre expérience à Sam-Ouandja ?

Nous avons fait face à de nombreux défis, notamment la peur de vivre dans cette ville. Cependant, le soutien des parents d'élèves et de la population nous a rassurés. À l’école B, nous voyons régulièrement passer des membres de groupes armés non loin de notre établissement. Bien que cela me fasse peur en tant que femme, le directeur de l’école ainsi que les élèves m'ont apporté un soutien précieux, facilitant ainsi mon adaptation.

Une autre difficulté réside dans le manque de matériel didactique nécessaire pour bien enseigner. Nous enseignants, manquons de documents et d'outils pour travailler efficacement. Dans ma classe de CP2, je dois gérer deux cent quarante-sept (247) élèves.  Ils manquent de livres, de cahiers, d’ardoises. Ils n'ont pas de tables bancs et sont assis par terre. Ils sont si nombreux, mais il m'est impossible de les chasser de la classe, car ils ont envie d'apprendre. Lorsque des enfants décident de revenir à l'école, je ne peux pas les refuser, même si la situation est très compliquée. Il est essentiel d’avoir des bâtiments supplémentaires, des tables bancs, pour accueillir les élèves, mais également un mât et un drapeau dignes de ce nom.

Une des plus grosses difficultés rencontrée et qui me rend triste, c’est le fait que certains élèves se marient très jeune. En classe de CI ou en classe de CP2, une élève peut être mariée. C’est triste. Un élève de CM1 (cours moyen première année) peut se marier à une élève de CI ou de CP2. Il arrive de constater l’absence d’une élève en classe. Quand tu demandes de ses nouvelles, on te répond qu’elle est désormais mariée. C’est vraiment triste. Nous proposons au PNUD de déployer une équipe sur place pour sensibiliser la population au respect des droits à l’éducation des enfants. Nous ne nous opposons pas au mariage. Tout le monde est appelé à se marier quand l'âge le permet, mais pas de manière précoce. Cela affecte l’éducation des enfants, surtout des jeunes filles.

Aussi, le coût de la vie à Sam Ouandja est extrêmement élevé. Les loyers sont élevés, la nourriture coûte chère, etc... Nous, enseignants en Fondamental 2, avons souvent du mal à couvrir ces frais tout en soutenant nos familles restées à Bangui.

Un mot pour la fin ?

Malgré les nombreux défis rencontrés à Sam Ouandja, nous avons constaté que la volonté d'apprendre est indéfectible. Les enfants là-bas sont avides de connaissances et déterminés à construire un avenir meilleur. Avec le soutien de la communauté et un engagement continu, nous croyons fermement qu'il est possible d'améliorer les conditions d'apprentissage. Chaque pas que nous faisons ensemble, chaque élève qui retourne à l'école, est une lueur d'espoir pour l'éducation à Sam Ouandja. En cultivant cette passion pour l'apprentissage, nous œuvrons ensemble à bâtir un avenir prometteur.