Malgré un présent sombre, la prospérité est encore possible en Haïti

Après des années terribles, une nouvelle transition offre la possibilité d'élaborer des plans pour la réussite de la société.

8 juillet 2024

Haïti possède deux atouts indéniables : sa jeunesse et sa géographie.

PNUD Haïti

Les difficultés apparemment insurmontables d'Haïti sont bien connues, mais une histoire différente se profile. Malgré la violence perturbatrice des gangs des dernières années qui a conduit à l'effondrement virtuel de l'État, le pays le plus pauvre de l'hémisphère nord peut emprunter une voie différente alors qu'une nouvelle transition politique est en cours. Ses dirigeants saisiront-ils ce moment ?

Un nouveau gouvernement a été mis en place, et le Premier ministre par intérim Garry Conille, un haut fonctionnaire de l'ONU qui a été Premier ministre de 2011 à 2012, est déterminé à rétablir la sécurité et à organiser des élections crédibles l'année prochaine, offrant ainsi au potentiel de la nation une nouvelle chance de se réaliser. Bien que la communauté internationale accompagne ces efforts, elle a également besoin de la vision d'une nation pour s'assurer que les opportunités créées ne soient pas perdues. Une fois les fondements établis, des investissements soutenus dans les institutions, les infrastructures et la jeunesse du pays devraient suivre de près.

L'arrivée d'une Mission multinationale de soutien à la sécurité (MSS) il y a quelques jours présente une opportunité historique d'améliorer la sécurité et de prévenir une détérioration accrue de la situation. Un rapport de l'UNICEF publié début juillet a révélé que plus de 300 000 enfants ont été déplacés à l’intérieur du pays depuis mars, ce qui signifie qu'un enfant est déplacé chaque minute en Haïti à mesure que la violence armée persiste. Au total, plus de 580 000 personnes sont sans abri en raison de la crise prolongée de la sécurité publique, les gangs contrôlant encore la majeure partie de la capitale nationale et la plupart de ses principaux points d'accès.

Cependant, la MSS à elle seule ne peut pas résoudre les problèmes du pays. La police nationale d'Haïti doit travailler à leurs côtés, mais pour le faire efficacement, elle aura besoin d'outils, de technologies et de formation. Elle doit disposer d'un quartier général moderne pour coordonner les opérations, de véhicules spécialisés, de drones de surveillance et de communications fiables. La communauté internationale soutient la police nationale avec des financements, une assistance technique et des partenariats stratégiques qui viennent couronner le courage de ses agents face à des défis substantiels.

La nouvelle Mission est la quatrième intervention étrangère de grande envergure depuis 1915, et une meilleure coordination et surveillance devraient être mises en place pour éviter les mêmes écueils que par le passé. Le succès à long terme dépendra de la capacité des forces de sécurité à gagner la confiance de leurs communautés. Les espaces de dialogue entre les autorités et les communautés qu'elles cherchent à sécuriser seront fondamentaux pour le progrès. Pour sa part, le système judiciaire doit montrer qu'il peut traduire en justice efficacement. Pour y parvenir, un engagement soutenu envers la participation communautaire et la réforme judiciaire sera essentiel.

Une fois la violence sous contrôle, les autorités de transition d'Haïti devraient s'attaquer à la corruption et organiser des élections justes et transparentes en 2025. C'est le meilleur, et peut-être le seul moyen de restaurer la confiance en le gouvernement et en la démocratie du pays. Le gouvernement de Conille a déjà annoncé une stratégie anti-corruption concrète, mettant l'accent sur les réformes de la gouvernance pour améliorer la transparence et renforcer les institutions, tout en engageant activement la société civile à y veiller. Cet engagement contre la corruption et l'implication importante des parties prenantes semblent susceptibles d'améliorer la confiance du public dans le gouvernement.

L'inclusion est cruciale pour l'avenir du pays et pour la tenue d’élections. Les personnes chargées d’organiser le vote devraient s'engager avec les factions politiques établies, la société civile et les groupes marginalisés pour nourrir un sentiment d'unité nationale. Il ne s'agit pas seulement de voter, mais de construire une société plus cohésive où chacun se sent partie prenante d'un bien commun.

 

De la transition à la transformation

Haïti possède deux grandes sources de potentiel indéniable : sa jeunesse et sa géographie. Le pays est une véritable puissance démographique, qui compte 54 % de moins de 25 ans au sein de sa population. Si la jeunesse haïtienne bénéficiait d’une éducation adéquate et de programmes de formation professionnelle, cela dynamiserait une culture entrepreneuriale qui a déjà créé une économie informelle très active. Plusieurs programmes de formation professionnelle réussis peuvent servir de modèles. Par exemple, CodersTrust, une plateforme mondiale de technologies de l’éducation (EdTech en anglais), a lancé des ateliers intensifs de codage au Kenya, qui ont doté les jeunes de compétences numériques recherchées dans le monde du travail et leur ont trouvé un emploi. De tels programmes de développement des compétences avec mentorat et aide à l'insertion professionnelle pourraient jouer un rôle significatif dans la revitalisation de l'emploi des jeunes en Haïti.

Les petites entreprises peuvent prospérer en obtenant l’accès à des financements, des technologies et des marchés. Imaginez une application mobile reliant les agriculteurs haïtiens aux entreprises de drones dédiés à l’agriculture. Les agriculteurs pourraient accéder à des analyses de cultures abordables provenant de ces drones et recevoir des conseils individualisés, à l'instar des producteurs de café rwandais qui ont utilisé la blockchain pour fixer de meilleurs prix. Cette approche technologique pourrait autonomiser la population jeune et technophile d'Haïti et stimuler la productivité agricole. Haïti a un taux d'achèvement du secondaire très faible, bien en dessous de la moyenne régionale et mondiale.

Doter les jeunes de compétences numériques et favoriser les startups technologiques peut créer de nouveaux emplois et raccorder les entreprises haïtiennes au marché mondial, tandis qu'un écosystème de commerce électronique florissant crée des emplois et propulse la croissance économique. Des initiatives similaires sont déjà à l’œuvre dans des favelas au Brésil. La G10 Bank, la première banque numérique née au sein d'une favela, démarginalise les résidents, en particulier les jeunes entrepreneurs, au moyen de services bancaires mobiles et financiers, démontrant le potentiel de la fintech pour combler le fossé économique et alimenter les économies locales dirigées par une jeunesse technophile.

La position géostratégique d'Haïti dans les Caraïbes peut également représenter un atout majeur. Des investissements stratégiques dans des ports en eaux profondes, associés à ceux réalisés dans les infrastructures et dans des mécanismes de facilitation du commerce, pourraient faire du pays une plateforme stratégique dans les chaînes d'approvisionnement régionales et mondiales. Et cela ne stimulerait pas seulement l'économie d'Haïti ; ce serait une aubaine pour toute la région.

Haïti pourrait également tirer parti de sa capacité à produire de l’énergie solaire pour autonomiser les communautés rurales, lutter contre le changement climatique et réduire la dépendance locale aux importations de combustibles fossiles. Une centrale solaire de grande envergure dans le Plateau Central, cofinancée par des Haïtiens, des partenaires privés et d'autres partenaires internationaux, est une idée qui pourrait esquisser de nouvelles perspectives économiques. Une telle initiative fournirait une énergie fiable aux foyers et aux entreprises et positionnerait Haïti en tant que leader en matière de durabilité et destination pour les entreprises éco-conscientes.

 

Entendre l'appel d'Haïti

Une gouvernance efficace est au cœur du chemin vers la prospérité. La transparence et l'inclusion sont essentielles pour orienter les politiques et mettre en œuvre des réformes qui construisent l'unité nationale et le dynamisme économique.

Le succès d'autres nations offrent des enseignements précieux. Haïti peut révéler son véritable potentiel en adoptant une bonne gouvernance, en posant les bases de la sécurité et de la paix, en investissant dans la jeunesse et l'éducation, et en poursuivant un développement économique stratégique.

Au Programme des Nations Unies pour le développement, nous sommes prêts à soutenir Haïti parce que nous croyons en son potentiel. Des défis de taille attendent le pays, mais ils peuvent être surmontés. La nation nous dit, « Wi, Ayiti toujou kapab ». Oui, Haïti peut encore y arriver.

Publié initialement en anglais dans la revue Americas Quarterly