Des solutions face au défi majeur de la gouvernance au Nigéria et en Gambie.

Les champs d’interventions de la gouvernance, induisant implicitement la bonne gouvernance, s’expriment différemment mais pointent vers un même objectif et représentent un défi majeur dans de nombreux pays de la zone sahélienne. Comment remodeler les structures publiques et mettre en œuvre des politiques de développement plus efficaces et en accord avec l’état de droit ? Au Nigéria, pays en proie à l’insécurité, à diverses formes de trafics et à la corruption généralisée, comme en Gambie qui tente de se relever d’une dictature ayant durée vingt-deux ans, les solutions émanent souvent de la jeunesse et de la société civile. Ils représentent un potentiel sur lequel le PNUD mise en les soutenant.

9 août 2024
a person standing next to a building

Nigeria

Photo : PNUD WACA

A Lagos, une surprenante campagne pour les élections

Ce jour-là, dans une zone populaire de Lekki, situé à Lagos, un surprenant spectacle…Déambulant avec son enceinte connectée entre les mécaniciens et les marchands ambulants, Dan Dizzy, un jeune artiste issu de l’État de Port-Harcourt, se livre à une convaincante prestation de rap. Les mots « décisions », « avenir », « dirigeant »  et « Nigeria » sont scandés à répétition devant un public qui se prend au jeu, dansant et chantant. Le mot d’ordre est que les personnes interpellées aillent s’enregistrer auprès de la commission électorale nationale indépendante pour obtenir leur carte de vote et ainsi participer aux élections générales.

« J’irai chercher ma carte de vote car notre pays est trop corrompu » assène une vendeuse de crédit téléphonique. « Ce dont nous avons besoin c’est d’un bon système d’éducation publique » avance une autre femme qui vend de la nourriture. « Il y a trop de chômage » se plaint un  mécanicien.

Susciter des réactions pour que le public visé s’interroge, c’est tout ce que souhaitait Dan Dizzy. 
 

« J’ai des rêves pour le Nigeria. La façon dont le pays est gouverné nous affecte tous.es au quotidien. Nous devrions tous.es pouvoir bénéficier de services de base mais ce n’est pas le cas. La première manière de changer le cours des choses est de participer aux élections pour choisir les dirigeants que nous voulons. Avant, j’étais de ceux qui pensaient que c’était inutile de voter, mais plus maintenant. Il faut sensibiliser et encourager les gens à le faire »
Dan Dizzy, artiste

Le rappeur a parcouru plusieurs villes du pays, diffusant son message grâce au pouvoir de la musique. Ses vidéos publiées sur les réseaux sociaux ont été vues plus de trois millions de fois.

 

L’éveil d’une société civile active

Originale, l’opération a été orchestrée dans le cadre d'une campagne numérique appelée #Sixtypercentofus en partenariat avec le PNUD. Une idée de l’entreprise nigériane « Tasck Creative », qui met en relation les artistes et les plateformes afin de créer du contenu et susciter des débats sur les questions à fort impact social.

« La meilleure manière de résoudre nos problèmes au Nigeria c’est que les citoyens s’en emparent et s’impliquent. Il faut que les gens aient les meilleures informations à leur disposition pour pouvoir faire les meilleurs choix. Et surtout que ce soit les plus influents et créatifs qui soient au-devant de cette bataille. C’est comme cela que nous pourrons rendre nos dirigeants plus transparents et responsables. Nous voulons surtout qu’ils écoutent le peuple et réalisent ses aspirations . C’est cela la bonne gouvernance. J’ai espoir car nous sommes nombreux et le pouvoir est entre nos mains, nous les jeunes » analyse Toda Kafang, la directrice de projets de « Tasck ».

Au Nigéria, la jeunesse de Lagos est sortie d’une certaine torpeur dans laquelle elle était plongée lors du mouvement #EndSars en octobre 2020. Un mouvement social lancé sur Twitter pour appeler à l'interdiction de la Special Anti-Robbery Squad, une unité de la police nigériane, régulièrement accusée de brutalité policière. Lors de la première manifestation, une dizaine de personnes sont mortes et une trentaine d’autres ont été blessées selon Amnesty international. Le mouvement a néanmoins duré plusieurs semaines et rassemblé des millions de Nigérians. Nombreuses sont aujourd’hui les organisations de la société civile qui tentent de maintenir les consciences éveillées, persuadées que le combat pour la bonne gouvernance ne fait que commencer et qu’il finira par payer.

En Gambie, le long travail pour une démocratie acquise

Après la chute de l'ancien président Yaya Jammeh en 2017, la Gambie est quant-à elle sortie d’une léthargie forcée de vingt-deux ans. Dans ce petit pays enclavé d’Afrique de l’ouest, la société civile apprend ou réapprend à vivre en démocratie, accompagnée par un important processus de justice transitionnelle qui s’est achevé en 2022.

Si de nombreux jeunes en particulier saluent le fait que la liberté d’expression soit désormais respectée et que de plus en plus d’opportunités sociales, politiques et économiques s’ouvrent à eux, certains comme Aishah Jammeh, une activiste politique pro démocratie reconnue dans le pays, n’hésitent pas à pointer du doigt la persistance de vieux démons. 

« Trop de problèmes liés à l’insécurité pèsent encore sur notre société. Les citoyens ont besoin d’être mieux protégés mais on s’aperçoit aussi souvent que les forces de l’ordre, qui sont censées faire ce travail, sont les auteurs des violences dénoncées. Nous devons nous attaquer à cela »
Aishah Jammeh, activiste

Pour d’autres personnes, le chemin est encore long et les gouvernants doivent faire mieux pour être « plus transparent, plus responsables et plus à l’écoute des populations ».

C’est dans cette optique que le PNUD en Gambie intervient à travers un vaste programme pour la gouvernance et les droits humains afin de renforcer les réformes liées à la gouvernance, en  consolidant les institutions nationales pour lutter contre la corruption, améliorer l’accès à la justice et le respect des droits de l’homme et promouvoir la démocratie. Notamment par de nouvelles approches préconisant la responsabilité et la transparence pour atteindre les populations les plus vulnérables.  Afin d’éradiquer la pauvreté et pour une meilleure gestion économique, le PNUD met l’accent sur la relation entre la gouvernance politique et économique. Plus spécifiquement « par le biais de relations bilatérales et multilatérales, avec des conséquences positives pour l'investissement direct international , la croissance des entreprises et les recettes publiques »

Au total, près de 4, 5 millions de dollars de fonds ont été alloués depuis 2018 pour atteindre ces objectifs. 

« La Gambie a un potentiel et des capacités que nous devons contribuer à rendre bénéfiques pour le développement du pays. Tout est lié au développement et à la gouvernance. Ce qui est important, c'est que cela corresponde aux besoins et aux aspirations des populations, et que l'agenda soit mis en œuvre de manière efficace »
Aissata De, Ancienne représentante résidente, PNUD Gambie

Un défi qui pourrait permettre au pays de s’ériger en exemple dans la région.