Suivez quatre lauréats du Prix Équateur dans leur voyage à Hollywood pour participer à un rassemblement de créateurs et de cinéastes autochtones
Le pouvoir de la communication narrative pour promouvoir les droits des peuples autochtones
25 avril 2023
« Si un mot devait résumer l’Imaginarium autochtone, ce serait le mot “communauté" », déclare Kynan Tegar, réalisateur et cinéaste issu de la communauté indigène de Dayak Iban à Sungai Utik Longhouse, lauréat du Prix Équateur 2019.
Les lumières s’allument lentement alors que le dernier intervenant de la soirée termine son discours. Des applaudissements retentissent dans le public du Ray Kurtzman Theater de Los Angeles. Sur la scène se tiennent plus de vingt jeunes cinéastes autochtones venus du monde entier. Ils saluent un parterre prestigieux en se tenant par la main, leurs visages souriants illuminés par les flashs des appareils-photo.
Cet événement vient conclure l’Imaginarium autochtone, un rassemblement de créateurs proposant un atelier pratique organisés pour mettre Hollywood en lien avec des auteurs autochtones à l’avant-garde du combat pour le climat. Les vingt participants viennent de s’immerger pendant dix jours dans l’industrie des médias sous tous ses angles, de la présentation d’un projet à la production, en passant par l’écriture de scénarios et la prise de son. Ils ont également pu rencontrer de grands noms d’Hollywood comme James Cameron. L’atelier a été organisé par If Not Us Then Who ?, un partenaire dans le cadre du Prix Équateur du PNUD basé à Los Angeles. Cette organisation s’emploie à créer des réseaux et à développer un récit inclusif et marquant, raconté par des peuples autochtones et des communautés locales.
Après avoir travaillé pendant plus d’un an avec ces vingt créateurs, If Not Us Then Who ? a décidé de tous les inviter à Los Angeles pour participer au premier Imaginarium autochtone. Parmi ces personnes figuraient quatre jeunes issus des communautés lauréates du Prix Équateur.
Kynan Tegar est un cinéaste de 18 ans originaire de Kalimantan (Bornéo) en Indonésie. Kynan n’avait que 15 ans lorsque sa communauté, le groupe indigène de Dayak Iban à Sungai Utik Longhouse, a été récompensée par le Prix Équateur 2019. Remporter le prix Équateur a permis à Kynan, un enfant passionné par la vidéo et les documentaires sur la nature, de rencontrer des peuples autochtones du monde entier aux prises avec la question de la souveraineté, ce qui l’a motivé à poursuivre ses rêves de cinéma.
Helena Gualinga est issue du peuple Kichwa de Sarayaku, lauréat du Prix Équateur 2021. Active en politique dès l’âge de 13 ans, Helena s’est intéressée au cinéma suite au tournage d’un documentaire portant sur elle et sur sa communauté, intitulé « Helena de Sarayaku ». Après avoir fait la une des journaux et pris la parole lors de grands événements internationaux comme la COP26 ou le Forum économique mondial, Helena a voulu passer derrière la caméra et attirer l’attention sur les changements majeurs intervenus dans la forêt amazonienne d’un point de vue autochtone.
Jimmy Piaguaje est originaire du peuple Siekopai en Amazonie équatorienne, l’un des peuples autochtones membres d'Alianza Ceibo. Unis pour protéger leurs terres des industries minières, les peuples qui forment cette alliance ont été récompensés par le Prix Équateur en 2020. La communication narrative, un domaine dans lequel Jimmy est actif depuis de nombreuses années, est un aspect essentiel de l’activisme d’Alianza Ceibo. Au moment de participer à l’Imaginarium autochtone, Jimmy travaillait depuis déjà dix ans à la création de documentaires d’animation sur la culture et la cosmovision de son peuple.
Renan Suya Kokoyamaratxi est un cinéaste de la région de Xingu dans l’État brésilien du Mato Grosso. Renan fait également partie de l’Associação Indígena Kisêdjê, lauréate du Prix Équateur en 2019. Cette communauté finance la préservation de ses terres grâce à une entreprise en pleine croissance qui fabrique de l’huile de piqui. Cependant, le sujet qui passionne Renan par-dessus tout, c’est la pression que subit son peuple dont la terre est constamment menacée par l’expansion de l’agriculture industrielle, notamment la monoculture du soja. Renan s’emploie avec acharnement à mettre en lumière le combat mené par sa communauté pour protéger son territoire et préserver ses récits.
Les quatre lauréats du Prix Équateur se sont joints à d’autres créateurs autochtones pour un atelier au cours duquel ils ont pu découvrir, pendant plusieurs heures par jour, tous les aspects de l’industrie des médias de Los Angeles en compagnie d’experts du secteur. Helena Gualinga a fait remarquer que, par rapport à tous les autres ateliers similaires auxquels elle avait participé auparavant, il y avait eu cette fois-ci beaucoup moins de discussions et beaucoup plus de temps pour pratiquer et poser des questions. Tous les participants ont déclaré que, au-delà des compétences cinématographiques acquises pendant l’Imaginarium, l’enseignement le plus précieux qu’ils retenaient concernait la manière de se présenter comme des conteurs d’histoires. La plupart des participants à l’Imaginarium ont été choisis pour leur capacité reconnue à raconter les histoires d’autres personnes. Cette fois, ils ont eu l’occasion de raconter leur propre histoire.
En repensant à l’atelier, Kynan a déclaré : « Avant de participer à l’Imaginarium, je vous aurais dit que je ne savais pas vraiment quoi faire de ma capacité à raconter des histoires. J’ai découvert ici que je voulais réaliser mon premier long métrage. » Il a également dit qu’il avait réalisé l’impact que pouvait avoir une communication narrative sur sa propre communauté. L’attention et la publicité suscitées par le Prix Équateur remporté en 2019 ont amené les pouvoirs publics régionaux à reconnaître les forêts et les terres de sa communauté et à lui accorder des droits fonciers, après plusieurs décennies d’une mobilisation acharnée.
L’histoire de Kynan, les objectifs des autres lauréats du Prix Équateur et le travail de l’ensemble des participants à l’Imaginarium démontrent que le moment est venu pour les peuples autochtones de faire entendre leurs témoignages et de toucher un public plus large. Le documentaire « Le Territoire » était en lice pour un Oscar et les films qui mettent en scène la résistance des peuples autochtones, comme « Avatar : la voie de l’eau », sont des succès au box‑office. Dans quelques jours, la première du film « We are Guardians » aura lieu au Canada. Réalisé par le cinéaste autochtone Edivan Guajajara et produit par le producteur oscarisé Fisher Stevens, il met en vedette le gardien de la forêt autochtone Marcal Guajajara et le militant Puyr Tembe. Le dernier film de Kynan, « Poems to the forest », sortira bientôt sur Netflix.
Toutes les histoires racontées par les peuples autochtones soulignent clairement qu’il est grand temps de codifier et de garantir les droits fondamentaux de ces peuples tout en s’efforçant de parer les pires effets du changement climatique. Les participants à l’Imaginarium autochtone s’inscrivent dans cette dynamique et s’apprêtent à devenir l’avant-garde d’une industrie audiovisuelle équitable, contribuant ainsi à un avenir viable.
Toutes les histoires racontées par les peuples autochtones mettent clairement en lumière l'idée qu’il est grand temps de codifier et de garantir les droits fondamentaux de ces peuples tout en s’efforçant de parer les pires effets du changement climatique. Les participants à l’Imaginarium autochtone s’inscrivent dans cette dynamique et sont sur le point de constituer l’avant-garde d’une industrie audiovisuelle équitable, contribuant ainsi à soutenir un avenir durable.