Par Aaron Nsavyimana
Rumonge – À 80 km au Sud de Bujumbura, la réserve naturelle forestière de Kigwena, en bordure du Lac Tanganyika, est classée parmi les zones importantes pour la conservation des oiseaux (ZICO) du Burundi. Cette forêt dite « péri-guinéenne », abrite une faune variée faite de primates, babouins et singes à queue verte ; de potamochères et d’antilopes mais aussi d’hippopotames et de crocodiles qui quittent les eaux du lac pour venir trouver leur quiétude sous les frondaisons de la forêt.
La consommation excessive des ressources naturelles de la forêt (faune et flore) par les communautés environnantes ont conduit au pillage systématique de cette forêt. Un problème aggravé par une démographie galopante toujours non maitrisée au Burundi.
Sous cette pression démographique constante, les populations avoisinantes de la forêt défient les autorités en charge de la protection et de l’environnement et exploitent abondamment le bois afin de satisfaire les divers usages domestiques comme la cuisson des aliments, mais aussi les besoins en menuiserie et en bois de construction des maisons. Elles s’adonnent également au braconnage, causant par exemple la fuite des différentes espèces de singes. Ceux-ci, comme on l’a constaté ces dernières années, ne viennent plus entraver la circulation routière en jouant sur la route ou en montant sur les pare-brise des véhicules, s’offrant ainsi en spectacle aux passagers.
Depuis 2013, le PNUD est mobilisé pour sauvegarder la faune et la flore de la Kigwena. À travers le Fonds mondial pour l’environnement (FEM), il a engagé un partenariat avec l’association locale « Œuvrer pour le développement du bien être des ménages » (ODBM) qui se donne pour principale mission de protéger l’environnement. Ensemble, les deux partenaires ont développé le « Projet intégré pour la restauration des ressources naturelles de la réserve naturelle de la Kigwena ».
Alexis Nsengiyumva, un cadre de l’ODBM, explique que le choix de l’association s’est porté sur la réserve de la Kigwena, car celle-ci était menacée. « Nous nous sommes sentis responsables de sa protection, surtout qu’après avoir fait le tour du pays, nous avions constaté que les autres parcs possédaient déjà leurs propres organisations de protection, à l’inverse du parc de la Kigwena laissé à la merci de ses prédateurs ».
Pour commencer, l’ODBM s’est allié la collaboration de l’administration et de l’Office burundais pour la protection de l’environnement (OBPE), avant d’entamer une sensibilisation en cascade de la population sur sa responsabilité dans la protection de la forêt. Les mesures préconisées allant de la lutte contre l’érosion par le traçage de courbes de niveaux à la préparation de pépinières, en passant par la fabrication de foyers améliorés pour réduire d’un tiers la consommation du bois de cuisson. « En guise de solutions pour générer des revenus alternatifs au pillage des ressources de la forêt, l’ODBM a proposé aux populations l’élevage des abeilles et de participer à la recherche de nouveaux marchés pour écouler la production de leur miel », ajoute Alexis.
Le projet a démarré avec 300 membres et il en compte aujourd’hui plus de 1000. Dans ses rangs, on trouve une majorité de femmes qui représentent les deux tiers de la totalité des participants au projet. « En mai 2015, contrairement aux autres projets qui ferment après le départ des bailleurs, le projet a su pérenniser ses acquis au-delà des 18 mois de financement du FEM et du PNUD », explique fièrement Alexis, « et ce en utilisant le peu de moyens dont dispose l’association ». Pour Alexis, c’est la preuve de la réussite du projet.
Les communautés restent engagées et collaborent avec le personnel de l’OBPE pour une meilleure surveillance de la forêt. Un comité au sein de l’ODBM continue de vulgariser le recours aux foyers améliorés et prépare les pépinières pour multiplier les plants à distribuer aux populations. « En restant engagés, nous sommes convaincus que nous pourrons mobiliser d’autres financements », déclare Alexis.
« Ici, tout le monde est désormais convaincu de l’importante de préserver la forêt. Les gens n’hésitent plus à nous offrir leurs terrains, afin d’y planter des arbres. C’est bien là le signe de la prise de conscience que notre avenir à tous est lié à l’existence de cette forêt. Il nous faut à tout prix la protéger pour assurer notre futur et surtout l’avenir de nos enfants. À défaut, nous allons leur léguer un désert », renchérit Nyandwi Fredaine, Vice-présidente de l’ODBM, section Kigwena.
Dernière initiative en date, l’ODBM compte lancer des clubs environnement dans les écoles du pays, à commencer par Rumonge, pour impliquer la jeunesse dans la protection de l’environnement. Il ambitionne de couvrir tout le pays.